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LE BLOG DE NIOXOR TINE

DËMM AK YAXU LIIR

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DËMM AK Yaxu liir

Tout le monde peut tricher. Certains se l’interdisent pour la morale, pour l’exemple, mais aussi parce que des valeurs héritées ou apprises s’y opposent.

D’autres font de la tricherie un sport favori. Ils trichent pour obtenir des gains (diplômes, biens matériels, honneurs, etc.). Ils trichent  pour se passer d’efforts, trichent pour tromper leur entourage, trichent pour le plaisir. Ils trichent parce que leur morale ne le répugne point.

Pourtant dans la plupart de milieux sociaux, y compris celui des grands bandits, le code d’honneur bannit la tricherie, considérée comme un acte de lâche. Dans le Far West où la pratique était  pourtant courante dans les saloons, les tricheurs professionnels étaient prêts à donner leur vie s’ils étaient accusés de telles pratiques. Dans d’autres cas, des justiciers se chargeaient de les exécuter, séance tenante, sous les applaudissements. Tricher n’a donc jamais été considéré comme un acte héroïque.

Comment comprendre alors que dans la patrie de Lat Dior et tout près de NDER la légende, un ministre d’état et potentiel Président de la république se vante de tricheries. Parce que traverser la frontière en dehors des points de passage officiels, c’est tricher. Tricher avec la police, tricher avec la douane, tricher avec la loi, les règles de bonne conduite.

La frontière entre le Sénégal et ses voisins n’est certainement comparable à celles qui séparaient les deux blocs du temps de la guerre froide. Aucune mine n’y est posée et aucun agent des forces de l’ordre ne se hasarderait à tirer sur un individu traversant une frontière quel que soit par ailleurs le sens emprunté. D’ailleurs, des centaines d’hommes et de femmes traversent ces frontières de part et d’autre pour aller labourer un champ, honorer une cérémonie familiale, faire paître des animaux, raffermir des liens de parenté qu’une ligne fictive, tracée depuis 1884, croyait séparer pour l’éternité.   

Traverser les frontières entre le Sénégal et ses voisins ne demande donc ni de l’imagination, ni de la bravoure. C’est un acte toléré, que l’histoire et la géographie rendent possible. Chercher à en faire un acte politique est tout simplement irresponsable parce que remettant en cause des pratiques millénaires avec lesquelles,  des Etats modernes d’ici et d’ailleurs, malgré des soucis de sécurité ont dû s’accommoder.

Convenons que se faire enregistrer par les services compétents avant de franchir les frontières est avant tout un acte civique. Comment comprendre qu’un ministre d’Etat, potentiel président de la république accusé de tricheries  (parce que l’enrichissement illicite est aussi une forme de tricherie), au lieu de chercher à laver son honneur se vante de tricherie ? En tout cas, c’est bien là un acte, qui ne plaiderait pas en sa faveur devant d’éventuels jurés.

Pourtant, le scandale est bien ailleurs.

Tout porte à croire que cet acte banal, clôturé par un festival à l’aéroport ait ému la république au point de valoir des sanctions à des responsables de la sécurité nationale. Et pourtant, c’est cette même république qui a assisté impuissante à l’enlèvement de douze braves démineurs travaillant dans une zone de conflit et sensés être surveillés comme de l’huile sur du feu. L’allusion à ce fait ne doit pas être assimilée à une demande de sanction contre ceux qui étaient chargés de leur sécurité. Bien au contraire, c’est un appel à plus de sérénité parce que la république ne doit pas être émotive si elle veut rester objective.

Si traverser illégalement la frontière est un délit, que le coupable en réponde comme un voleur de chèvre répondrait de son acte. Mais on ne devrait pas punir un agent du fisc parque qu’un citoyen n’a pas payé ses impôts, de même un agent de forces de sécurité parce qu’un citoyen a triché.

La république se doit de transcender les conflits crypto personnels.  Et si nous nous gardons de dire qu’elle vient de traverser illégalement les frontières de l’objectivité dans le traitement de ces deux affaires, c’est sûrement parce que nous la sentons un peu trop nerveuse pour entendre raison.

  BANDIA MAI  2013-05-30

Bassirou Sélémane NDIAYE

 

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