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LE BLOG DE NIOXOR TINE

DECENTRALISATION, PARTICIPATION COMMUNAUTAIRE : A QUEL COMITE SE FIER ?

building communal dakar

Le transfert des compétences en matière de santé aux collectivités locales s’exerce à travers un comité de gestion, qui selon les textes  de la décentralisation, «délibère sur le projet de budget, les  comptes, le fonctionnement, les travaux de réparation, l’approbation  du règlement intérieur et des statuts et les activités sociales…».

La Ville de Dakar vient de publier, courant janvier, un règlement  intérieur des comités de gestion des formations sanitaires  municipales, présenté sous la forme d’une note de service interne à la  Ville de Dakar et signé par le maire lui-même. Cette initiative a le  mérite de relancer le débat sur la concrétisation effective du  transfert aux collectivités locales des compétences en matière de  santé. En effet, depuis, pratiquement 1996, début de la  décentralisation, aucun comité de gestion n’a encore été mis en  place.

UN REGLEMENT INTERIEUR NON CONCERTE ET EN CONTRADICTION AVEC DES  DECRETS PRESIDENTIELS

       Néanmoins, on ne peut d’emblée s’empêcher de faire quelques  remarques. Premièrement, l’approbation du règlement intérieur reste  une prérogative du comité de gestion lui-même et ne relève pas du  pouvoir discrétionnaire du maire. Deuxièmement, le maire s’octroie  unilatéralement plusieurs prérogatives appartenant soit aux autorités  administratives et sanitaires (préfet, responsable de la structure  sanitaire, ministre de la Santé) ou au comité de santé lui-même. De  quelles prérogatives s’agit-il ?

Le décret n° 92-118/MSPAS du 17 janvier 1992, stipule en son article  4, que les comités de santé sont placés sous la tutelle du ministère  de la Santé de l’Action Sociale. Cela autorise le ministre de la Santé  à prendre des mesures conservatoires, telle que la suspension du  bureau du comité de santé. Cette prérogative est attribuée au Maire de  la Ville de Dakar dans le nouveau règlement intérieur, en son article  14.

Par ailleurs, dans le décret n°96-1135 du 27 décembre 1996, il n’est  nullement indiqué que le fonctionnement des comités de santé fasse  partie des questions soumises à la délibération du comité de gestion,  tel que stipulé à l’article 4 du nouveau règlement intérieur. En  effet, les articles 15 à 24 du titre III des statuts types des comités  de santé du même décret n° 92-118/MSPAS du 17 janvier 1992 définissent  bel et bien les normes d’administration et de fonctionnement des  comités de santé. Il n’y est aucunement fait mention de président de collectivité locale mais plutôt de responsable de formation sanitaire.  Il faut toujours garder à l’esprit, que les comités de santé sont des  associations dotées d’instances de délibération propres (assemblée  générale et bureau).

Cela veut dire, en clair, que le règlement intérieur des comités de  gestion, tel que publié par la Ville de Dakar est en contradiction  avec les décrets présidentiels antérieurs, notamment ceux ayant trait  au fonctionnement des comités de santé et ceux portant sur les lois de  la décentralisation.

LA CAPORALISATION DES COMITES DE SANTE PAR LES COLLECTIVITES LOCALES  N’EST PAS LA SOLUTION

       L’expérience engrangée par le processus de transfert des  budgets des structures sanitaires périphériques de l’Etat aux  collectivités locales depuis 1996, a mis à nu plusieurs phénomènes  négatifs dont la faiblesse du taux d’exécution et la lenteur de la  mise en place des fonds de dotation décentralisés, plus marquées au  niveau de la Région de Dakar avec comme corollaire, l’excès de  sollicitation des recettes issues de la participation financière des  populations. Une des raisons à ces dysfonctionnements réside dans le  fait que les autorités municipales cumulent les fonctions  d’ordonnateur et d’administrateur de crédits et ne peuvent être  interpellés sur leur exécution budgétaire qu’à postériori par des  autorités administratives dont les pouvoirs ont été drastiquement  rognés par les lois de la décentralisation.

Même s’il faut saluer les performances des comités de santé, qui  permettent le fonctionnement quotidien et régulier de la plupart des  structures sanitaires de notre pays, il faut reconnaître que la  gestion des ressources financières issues de la participation des  populations occupe encore trop de place dans les activités des comités  de santé et ne se fait pas toujours selon les règles de la  comptabilité moderne. Il est également certain que le processus de  participation communautaire, à travers ces organes de participation  communautaire, n’a pas encore eu les résultats escomptés surtout sur  le plan de l’identification des besoins, de la mobilisation sociale et  du suivi-évaluation des programmes.

Malgré toutes ces difficultés, la relance du processus de  participation communautaire à la santé ne réside certainement pas dans  une caporalisation des structures de participation communautaire par  les autorités municipales, et cela, essentiellement pour deux  raisons : le caractère encore trop politique, au sens partisan du  terme de la plupart de nos collectivités locales, l’excès de  concentration de pouvoirs sur la gestion financière des structures de  santé (fonds de dotation, recettes des comités) dans les mains  d’hommes politiques, parfois intouchables.

SEULE UNE LARGE CONCERTATION PERMETTRA DE CREER UN COMITE DE GESTION,  GARANT D’UN CLIMAT SOCIAL APAISE

Le désir légitime des élus locaux de notre pays de jouir des nouveaux  pouvoirs que leur accordent les lois sur la décentralisation de 1996  ne doit pas les amener à vouloir occulter la tutelle technique du  ministère de la Santé, émanation de l’Etat central, qui selon  l’article 14 de la constitution, a le devoir social, de concert avec  les collectivités publiques, «de veiller à la santé physique, morale  et mentale de la famille». Le comité de gestion semble devoir être un  conseil d’administration où seront représentés les autorités  municipales, les représentants des communautés ou des usagers et les  représentants des travailleurs de la Santé, à travers leurs  organisations.

Présidé par le président de la collectivité locale, il ne saurait se  réduire à une caisse d’enregistrement des volontés des autorités  municipales, mais doit plutôt être le fruit d’une large concertation  entre autorités municipales, autorités sanitaires, membres des comités  de santé et travailleurs de la Santé. Cela permettra de créer un  climat social apaisé propice à l’amélioration de la santé de nos  populations.

  FEVRIER 2004