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LE BLOG DE NIOXOR TINE

‘’QUAND LA POPULATION N’A PLUS CONFIANCE AUX PARTIS POLITIQUES, LES FORCES OBSCURES DEVIENNENT L’ALTERNATIVE’’

11 Juillet 2013 , Rédigé par LE BLOG DE NIOXOR TINE Publié dans #POLITIQUE NATIONALE

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 EXTRAITS DE L’INTERVIEW DE MAMADOU NDOYE, SECRETAIRE GENERAL DE LA LD A SENEPLUS

 

Elu pour quatre ans, lors du dernier congrès du parti de gauche, les 6 et 7 juillet, le nouveau secrétaire général de la Ligue démocratique entend doter son parti d’un projet politique ‘’attrayant’’. Mamadou Ndoye ne renie pas pour autant son appartenance à la majorité présidentielle. Dans la première partie de cet entretien exclusif avec SenePlus, le successeur d’Abdoulaye Bathily décline sa feuille de route et invite les politiques à une introspection.

Vous venez d’accéder au poste de secrétaire général de la Ld. Quels sont vos priorités ?

Du point de vue politique, nous avons deux défis majeurs. Le premier, c’est qu’après 12 ans d’Abdoulaye Wade la société politique sénégalaise est entrée dans une autre ère très dangereuse pour le pays. C’est une ère où il n’y a plus d’idéal, il n’y a plus de valeur. La seule question qui se pose aux individus c’est comment se positionner politiquement et en tirer des dividendes. Il n’y a plus de substance, il n’y a plus de projet, il n’y a plus de cause. La politique est devenue tout simplement une sorte de marchandise. Je me dis que si le Sénégal va dans cette direction, nous allons avoir un problème très sérieux, qui commence déjà. C’est-à-dire le fait que les gens disent : ‘’Ils (les politiques) sont tous les mêmes. Ils peuvent promettre n’importe quoi, mais une fois au pouvoir, ils vont faire exactement ce que les gens faisaient hier.’’ Quand ce sentiment-là se propage au niveau de la population et qu’aucune confiance, qu’aucune crédibilité n’est accordée aux partis politiques, qu’est-ce qui se passe ? Quelle est l’alternative ?

Selon vous, quelle est-elle ?

L’alternative, ce sont les forces les plus obscures du pays. Au Sénégal, nous avons quelques symptômes qui doivent nous réveiller. Il faut que les hommes politiques fassent leur autocritique et essaient de remettre en cause ces attitudes et ces comportements politiques. Et je disais que ce défi est lié au deuxième défi. Le deuxième défi, c’est qu’il y a eu l’alternance, il y a de l’espoir pour les populations. Il y a eu une confiance en une équipe qui compose la majorité présidentielle. Il est vital que cette majorité réussisse. Et quand je parle de réussite pour un pouvoir tel que le nôtre, c’est justement le retour à la vraie politique.

Qu’entendez-vous concrètement par ‘’vraie politique’’ ?

C’est-à-dire la gestion vertueuse de la Cité et la construction du futur de la Cité. Ce retour, par le biais de la réussite de l’alternance, devrait permettre de montrer aux populations qu’il y a une autre façon de gouverner le pays, d’implanter l’Etat de droit, de créer un environnement propice à la méritocratie et à la compétitivité. Il y a une autre façon d’avoir des institutions fortes, qui rendent des services publics efficaces aussi bien à la population qu’aux entreprises, leur permettant d’être le plus performantes possible. Et il y a dans cette gouvernance-là, la nécessité de jouer un rôle d’impulsion de l’économie. C’est vrai que ce sont les entreprises qui vont développer, en termes d’économie, un pays. Mais l’Etat, s’il ne joue pas son rôle d’impulsion, de régulation, de création des conditions propices, les entreprises n’iront nulle part.

Les populations ont été déçues par Abdoulaye Wade. Avec Macky Sall, les attentes sont en l’état. Comment restaurer la crédibilité des hommes politiques aux yeux des Sénégalais ?  

Il n’y a pas de perte irréversible. Ce que nous devons faire, c’est de travailler dès maintenant à restaurer cette crédibilité. Travailler à restaurer, c’est montrer qu’il y a une véritable rupture. Une rupture négative, c’est-à-dire rompre avec tout ce qu’il y avait comme pouvoir personnel, corruption, affaiblissement des institutions, la nomination de personnes incompétentes… Mais, rompre négativement ne suffit pas. Il faut une alternative. Quand vous rompez avec certaines pratiques, il faut montrer de nouvelles pratiques. Or vous ne pouvez pas faire émerger ces nouvelles pratiques, si vous n’avez pas un futur que vous voulez construire clairement, si vous n’avez pas des stratégies qui montrent les voies de la transformation pour aller à ce futur. Et si vous n’avez pas des valeurs et des principes qui vous guident. Même si dans l’immédiat, vous n’avez pas transformé, qu’on voie que vous êtes dans cette direction.

Le pouvoir de Macky Sall a exprimé sa volonté de procéder à ces «ruptures négatives» dont vous parlez. Avez-vous l’impression que les paroles sont suivies d’actes ?           

Quand je vois certains gestes posés, je peux m’interroger. En réalité, il peut y avoir décalage entre les intentions proclamées, sur lesquelles je suis d’accord, et les gestes qui sont effectivement posés.

Par exemple ?

En matière de nominations, il y a des problèmes. Il y a des gens, je ne citerai pas leurs noms, qui ont été nommés alors qu’on n’en voulait plus dans le régime précédent. Quand on dit qu’il faut une gestion sobre et qu’en même temps je vois que parfois il y a des dépenses de luxe, je m’interroge.

En pointant ces pratiques ne craignez-vous de subir le même traitement qu’Idrissa Seck, qui a provoqué une levée de boucliers pour avoir critiqué le pouvoir de Macky Sall, la majorité dont son parti se réclame ?

Ce que je souhaiterais, c’est que l’on soit un véritable parti de gouvernement. Cela signifie que nous sommes une composante d’une majorité qui est au pouvoir. De ce point de vue, nous ne pouvons avoir un pied à l’intérieur et un pied à l’extérieur. Et je l’ai dit pour notre parti et pour toutes les composantes de la majorité. Il y a deux conditions pour que chaque composante de la majorité joue correctement son rôle. La première condition, c’est de se mettre d’accord sur le projet politique que nous avons en commun : quel futur nous voulons pour le Sénégal ? Est-ce que les partis de la majorité ont discuté pour dire : ‘’voilà le futur que nous voulons pour le Sénégal’’ ?

Est-ce le cas actuellement ?

Non, ce n’est pas le cas. Et ce dialogue est indispensable. Parce que vous ne pouvez pas soutenir quelque chose que vous n’avez pas partagé. La deuxième condition, c’est qu’on ne peut pas rester avec le niveau de coalitions qu’on a à l’intérieur. C’est-à-dire un niveau de coalitions qui n’engage personne. Chacun est libre de dire ce qu’il veut et de faire ce qu’il veut. Lorsque nous décidons ensemble de dire que ce projet est notre projet, parce que nous le partageons, nous voulons le faire aboutir, il va falloir avoir un niveau d’alliance qui soit un peu plus poussé, avec des organes permettant une réflexion commune et une action commune. Il faut trouver d’autres formes organisationnelles beaucoup plus poussées où chaque parti saura quelle part de souveraineté il délègue à l’ensemble et quelle part lui reste.

Quelle sera la démarche de la Ld vers cette direction ?

Nous avons deux dynamiques qui sont inséparables. Notre parti doit se développer et pour qu’un parti se développe, il y a un certain nombre de conditions qu’il faut réaliser. C’est d’abord que le parti soit très ouvert pour que les gens puissent venir. Il faut que notre projet de société soit très clair et très attrayant. Nous sommes en train d’y travailler et, après le congrès nous allons l’approfondir. La deuxième chose, c’est de revoir l’efficacité de nos différentes structures, pour permettre à ces structures de pouvoir elles-mêmes réfléchir et participer au processus de construction du parti. Cela signifie qu’il faut décentrer la réflexion et à ce sujet j’ai proposé au congrès que lorsqu’on aura finalisé notre projet national, il va falloir que chaque fédération propose un projet local. L’autre chose, c’est qu’il serait une illusion de croire que nous pouvons développer, seuls, le Sénégal. Notre devoir, c’est de contribuer à un grand rassemblement capable de peser pour la transformation du Sénégal. Cela suppose un dialogue ; notamment au sein de la majorité présidentielle actuelle.

Est-ce la fin des idéologies ?

Ce que nous préférons, c’est discuter avec les gens sur le futur du Sénégal, sans référence idéologique. Si nous sommes d’accords sur le projet et sur les voies pour y parvenir, nous pouvons aller ensemble. Même si nous n’avons pas les mêmes références idéologiques.

Qu’est-ce qui fait que, généralement au Sénégal, les partis de gauche n’attirent pas ?        

L’explication est très simple. C’est que les partis de gauche étaient jusqu’ici des partis de cadres et pas des partis de masse. Les partis de cadre, leur niveau de réflexion, c’est constructif, mais ça ne va pas à la base. Nous essayons de faire cette transition pour aller vers les masses, mais nous sommes nés en tant que partis de cadres. Et cette transition n’est pas toujours facile.

Qu’attendez-vous de la commission des réformes institutionnelles dirigée par Amadou Makhtar Mbow ?

Je mets les réformes institutionnelles dans le cadre du développement. Je ne sépare pas les réformes institutionnelles du développement,  je ne les sépare pas, non plus, de la démocratie. Donc si on veut poser sérieusement les réformes institutionnelles, la première  chose,  c’est de voir comment ces reformes vont être au service de l’approfondissement de la démocratie sénégalaise. Deuxièmement, voir comment ces réformes vont être au service de notre programme ou de notre projet de développement. Ce sont les deux questions fondamentales.

Pour l’approfondissement de la démocratie, quelles sont les réformes pertinentes à apporter ?

La démocratie participative doit prendre le pas sur la démocratie représentative, la décentralisation doit être au service du développement,  l’Exécutif ne doit écraser ni le Législatif ni le Judiciaire. Donc, nous devons avoir un équilibre institutionnel. Alors, si nous arrivons à  équilibrer les institutions, ça va nous permettre du point de vue démocratique d’avoir le jeu des pouvoirs et des contre-pouvoirs nécessaires à une démocratie véritable. C’est ce à quoi je suis favorable. Je suis également favorable à des institutions capables de donner une justice indépendante, des institutions capables de donner  aux citoyens un service public efficace. Aujourd’hui, quand un travailleur veut avoir une pièce d’état civil, combien de temps il va courir pour l’obtenir ? Il laisse son boulot pour courir derrière une administration afin d’obtenir une pièce d’état civil. Je prends cet exemple, mais on peut en prendre mille autres.

 

Frédéric ATAYODI et Ibrahima FALL   

 

 

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