1,2, 3 BENNO (s): POUR QUI SONNE LE GLAS ?
Il est paradoxal qu’au moment où les fondements du Parti-Etat néo-libéral ont été secoués par les secousses des 23 et 27 juin 2011 confirmées par le rassemblement citoyen du 23 juillet 2011, Bennoo Siggil Senegaal connaisse une nouvelle scission, à moins de six mois d’élections capitales pour la Nation sénégalaise. En raison de l’envergure et du sérieux des initiateurs de Bennoo Alternative 2012, qui à défaut de diriger des partis massifs, sont connus pour la constance de leur engagement au service des idéaux de progrès et de toutes les grandes causes nationales, cette scission ne peut être qu’un grand sujet de préoccupation pour tous les patriotes sincères. En effet, comme en 2000, l’affaiblissement du camp de la gauche véritable et des patriotes sincères au sein de Bennoo va faciliter la tâche aux politiciens réformistes.
LES DERIVES DU SOPI.
Pour comprendre les difficultés rencontrées par l’opposition sénégalaise, depuis plus d’une décennie, pour mener à bien sa tâche d’éviction du régime libéral du pouvoir, on ne peut pas ne pas évoquer le poids des quarante années ayant précédé l’avènement de l’Alternance en 2000. Le Sopi, qu’une écrasante majorité de Sénégalais appelaient de leurs vœux en 2000, devait marquer une rupture d’avec le règne de l’UPS-PS, marqué par la mal-gouvernance, le clientélisme politicien et des insuffisances notoires dans la vie démocratique et le système judiciaire. Or, Abdoulaye Wade, au lieu de corriger ces tares du régime socialiste, les a au contraire accentuées et a encouragé le phénomène de la transhumance, en réhabilitant des politiciens socialistes parmi les plus décriés et en refusant de collaborer avec les patriotes vertueux, qui avaient refusé toute compromission avec les socialistes. Il faut reconnaître que la dislocation du pôle de gauche aura grandement facilité la tâche du Président Wade.
MUTATIONS AU SEIN DU PARTI SOCIALISTE.
Il faut reconnaître que, jusqu’aux élections présidentielles de 2007, les cercles dirigeants de la mouvance socio-démocrate n’avaient pas voulu tirer les leçons de l’Alternance survenue en 2000, en termes de défiance vis-à-vis du défunt régime socialiste et de méfiance à l’endroit des personnels politiques l’ayant servi.
C’est cela qui explique le désarroi des citoyens sénégalais lors de l’élection de 2007, car ayant tourné le dos au régime de Wade, ils ne souhaitaient pas pour autant revenir à la case départ, en élisant des candidats issus de la mouvance socialiste surtout ceux d’entre eux, qui ne manifestaient aucune velléité d’autocritique. Cela n’occulte en rien les fraudes électroniques de Wade et de son Ministre de l’Intérieur, qui ont habilement contourné le piège fatal du deuxième tour. La pluralité des candidatures des partis d’opposition n’avait pas permis au peuple de s’approprier la démarche des forces de l’Opposition divisées, qui se sont trouvées dans l’impossibilité de construire un rapport de forces suffisamment dissuasif pour empêcher les fraudes électorales inhérentes à ce type de régime antidémocratique, clientéliste voire totalitaire. C’est d’ailleurs cela qui a pu expliquer l’émergence de nouvelles figures sur la scène politique, le cas le plus caractéristique étant celui d’Idrissa Seck.
Absents du Parlement à cause de leur boycott des élections législatives, les partis de l’opposition extra-parlementaire se sont retrouvés côte à côte avec la société civile et certains membres de l’opposition parlementaire, pour engager des batailles sur les questions démocratiques et de gouvernance institutionnelle. C’est ainsi que fut lancée l’initiative des Assises Nationales, qui marqua le début de la prise de conscience par le parti socialiste d’une nécessité de la refondation de l’Etat. Ensemble avec les forces de gauche et la société civile, les socialistes ont dressé le bilan des politiques publiques et reconnu que les dysfonctionnements des Institutions de la République dataient de l’année 1960 avec une tendance à concentrer le pouvoir au sommet de l’Etat. Les Assises vont mettre en exergue la nécessité de faire du Sénégal un État de droit, un pays où la gouvernance est fondée sur l’éthique, la démocratie participative, la concertation, le respect des institutions et des libertés individuelles et collectives et la défense des intérêts nationaux, bref l’émergence d’une nouvelle citoyenneté.
LE TOURNANT DES
Ces élections ont consacré non pas une victoire électorale du Front Siggil Senegaal (désorienté par les découpages administratifs de dernière minute du régime libéral), mais une défaite politique cinglante du camp libéral, sanctionné non seulement pour ses orientations politiques néfastes mais aussi pour ses velléités d’instauration d’une dynastie anachronique. Il s’agissait également pour les citoyens sénégalais de « récompenser » les forces politiques d’opposition pour le dépassement remarquable dont elles avaient fait preuve, de concert avec d’importantes franges de la société civile et du patronat local en réussissant à rassembler diverses couches de la société dans le cadre de l’entreprise citoyenne exceptionnelle que constituent les Assises Nationales.
Paradoxalement, certains partis du Front, tout comme le président Wade, semblent avoir mal reçu le message des électeurs, en ce qu’au lieu d’utiliser les positions nouvellement conquises, pour promouvoir le développement des luttes populaires et infliger des reculs au pouvoir libéral, ils se sont laissés enfermer, à de rares exceptions, dans des logiques étroites du clientélisme partisan, de la routine administrative et de prétendues valeurs républicaines face à un Etat voyou! Cette absence de rupture dans la gestion des collectivités locales a conduit à une absence de lisibilité de la vie politique nationale. Le fait que Bennoo n’a pu consolider ses positions au sein des collectivités locales qu’elle a remportées, permet aujourd’hui à Abdoulaye Wade, malgré la secousse du 23 juin dernier, non seulement d’installer des délégations spéciales un peu partout dans le pays mais surtout de retirer la gestion des ordures aux Collectivités locales.
NOUVELLE DEMARCHE POLITIQUE PAR LE DEVELOPPEMENT DES LUTTES POPULAIRES
Il faut que l’Opposition sénégalaise au-delà de l’invalidation de la candidature de Wade prenne en charge les questions telles que les délestages intempestifs de la SENELEC, la cherté du coût de la vie, le décret sur la taxe sur les appels entrants, le limogeage des ministres de l’Intérieur, de la Justice et du fils du Président …etc., autant d’urgences qui attendent d’être solutionnées avant les élections présidentielles. Cette Opposition réussira-t-elle à remobiliser le peuple pour la mère des batailles, après qu’il aura subi, impassible, toutes ces agressions ?
Pour défaire le pouvoir libéral et convaincre la petite bourgeoisie instable à adhérer sincèrement aux conclusions des Assises Nationales, il importe de développer l’esprit M23, de mettre le pouvoir sur la défensive, surtout que Wade ne semble n'avoir tiré aucune leçon de ce signal fort de la vie politique nationale. Il s’agira donc, de manière pacifique, sans destruction de biens publics ni privés, en y ajoutant toutes les formes intelligentes de désobéissance civile, en tablant sur le ras-le-bol général du peuple sénégalais, de multiplier les mouvements de protestation en les décentralisant pour contraindre le Monstre et sa clique au départ immédiat ou à l’organisation d’élections transparentes qu’ils sont condamnés à perdre, ce qui permettra de préserver la paix civile. Il ne s’agit donc pas simplement de sacraliser cette date du 23 juin 2011, mais de la considérer comme point de départ d’une nouvelle démarche politique en vue de mettre fin au pouvoir de Wade.
POURSUITE DE LA MOBILISATION CITOYENNE AU DELA DES ELECTIONS !
Ce dont il s’agit véritablement, c’est d’entraîner les masses dans la mobilisation populaire vigilante, seule garante de changements véritables et durables, au lieu d’accorder une importance disproportionnée aux combinaisons politiques, dans une optique strictement électoraliste. C’est pourquoi, il faut d’ores et déjà noter une insuffisance du travail des partis de Bennoo au sein des masses. La collaboration des différents partis de cette coalition dans les communes, quartiers et villages laisse à désirer et n’est pas orientée vers la défense des intérêts locaux spécifiques, mais simplement vers des tâches de convoiement de militants lors de rassemblements politiques ou de supervision du processus électoral. C’est dire que l’irruption des masses sur la scène politique le 23 juin dernier, n’est pas bien perçue par ceux qui se contenteraient bien d’un statu quo institutionnel, au lendemain de la défaite du camp Wade. Par ailleurs, le déficit d’implication des travailleurs dans la lutte contre le régime libéral est liée en partie à la négligence dont font preuve les partis de Bennoo au niveau du travail syndical et on peut même parler d’indulgence par rapport à la bureaucratie syndicale, dont les travers (malversations, collusion avec le pouvoir, entorses graves aux principes de la démocratie syndicale) sont passés sous silence. C’est à la rectification de tous ces travers que les partis de la gauche véritable étaient attendus !
LA CANDIDATURE UNIQUE, SEULE VOIE DE SALUT !
Il est plus que temps d’affronter courageusement la question du candidat unique, au lieu de la différer continuellement. On a comme la vague impression que, contrairement aux apparences, malgré l’accord du 28 mai 2011, les retards observés pour le choix du candidat consensuel sont en rapport avec le fait que tous les partis de Bennoo n’ont pas la même compréhension du programme de transition ni des conclusions des Assises Nationales.
Il y a d’une part les forces de ce qu’on pourrait appeler la gauche véritable, qui en plus d’être favorables à un régime parlementaire souhaiteraient une rupture avec tous les régimes précédents et la prise en compte de principes d’équité et de justice sociale dans la définition de la prochaine étape politique post-Wade. De l’autre, des politiciens libéraux ou socio-démocrates, pour lesquels, il s’agit simplement d’une compétition électorale comme une autre, et dans laquelle, grâce à leurs parrains extérieurs et leur trésor de guerre amassé lors de leurs passages dans les gouvernements socialistes et libéraux, ils pensent avoir toutes leurs chances de l’emporter. Ils ne comprennent pas trop cette fixation de certains partis de gauche sur la nécessité du changement d’un régime politique, qui depuis cinquante années aura causé tant de torts à notre Nation. Sans compter qu’une démarche politique inspirée des idéaux et principes du progrès social n’est pas forcément pour plaire aux couches sociales dont ils sont le porte-drapeau et à leurs parrains occidentaux, qui ont montré au cours de cette année, en Côte d’Ivoire et plus encore en Lybie, de quoi, ils étaient capables, quand leurs intérêts étaient « menacés ».
Concernant Bennoo Alternative 2012, tout militant de gauche peut comprendre leur « impatience révolutionnaire », face à la lenteur d’un groupe de « vénérables leaders », victimes des pesanteurs d’une alliance de près de quarante partis.
A moins de six mois d’élections fatidiques, il urge pour les partis d’opposition d’identifier les partis et mouvements de la société civile qui partagent des points de convergence programmatique, pour prendre en charge les conclusions des Assises Nationales.
Le moment est donc venu de délimiter les camps et que chacun choisisse le sien !
Médina, le 11 septembre 2011
NIOXOR TINE
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