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LE BLOG DE NIOXOR TINE

LE RAPPORT DE FORCES SELON NDIOMBOR*

23 Novembre 2014 , Rédigé par LE BLOG DE NIOXOR TINE Publié dans #INVITES DE LA REDACTION

BERENG BARIGO

Par Bassirou S. NDIAYE

La bataille politique est une suite d’opérations d’équilibre de forces dont le but ultime est de faire pencher la balance  d’un côté. Mais la force en politique est une équation complexe avec une multitude de  variables, sans constante aucune, et qui échappe le plus souvent au principe déterministe.

La fragilité et l’instabilité des variables, la multitude des paramètres et des inconnues, des facteurs endogènes et exogènes, font du rapport de forces un fait indomptable, à apprivoiser par les acteurs en conflit. 

Le rapport des forces reste malgré tout, la seule règle scientifique  en politique, autant qu’un fait est scientifique lorsqu’il est objectivement vérifiable et reproductible indéfiniment, dans les conditions normales  … de température et de pression.

Mais la température et la pression en politique sont elles-mêmes des notions subjectives, c’est-à dire des éléments non quantifiables à partir d’étalons universellement acceptés. Leur lecture est donc forcément subjective, sociologiquement, idéologiquement et économiquement chargée.

Le rapport des forces est le moteur de l’histoire des sociétés en lutte pour la maitrise de leur quotidien.  Parce que c’est lui seul qui permet en rendant possible la mise en œuvre des projets de groupes humains. C’est une réalité qui s’impose à nous en transcendant la légitimité et la légalité, le droit et l’étique, la vérité et le mensonge. Il est le vent dans un exercice de navigation à voile.

Parce que Le Gladiateur semble ignorer ce principe, il tombe souvent et assez maladroitement dans la caverne souillée du « wax waxeet » ouverte par son prédécesseur.

Le Gladiateur s’est opposé ou a laissé comprendre qu’il s’opposerait à la manifestation programmée par l’Empereur déchu. Il s’est ainsi exposé à la désapprobation d’hommes et de femmes de principe, pas forcément d’accord avec ce que l’Empereur veut faire et veut dire, et moins encore avec l’heure et l’endroit choisi pour de telles manifestations.  Démocrates, ils luttent simplement pour qu’on laisse faire et dire même s’ils ne sont pas d’accord.

C’est une attitude louable, une position confortable aussi si on n’est pas responsable, c'est-à-dire si on est potentiellement exempté de l’obligation de rendre compte des conséquences éventuelles des évènements. Parce que des conséquences fâcheuses sont bien possibles eu égard à la lecture qu’en fait l’immense majorité des concitoyens de Gorgoorlu.

  • La bataille entre les deux hommes ne se résume pas seulement au droit ou non de manifester.
  • Ndoumbélaan sort à peine d’un hivernage catastrophique porteur de germes de famine et de désolation pour le monde rural de façon générale.
  • Là où l’Empereur avait reporté des élections nationales au motif douteux de secourir des quartiers urbains engloutis sous les eaux, le Gladiateur a choisi au motif plus que douteux de respect du calendrier républicain, de tenir des élections au milieu de la misère et de la désolation du monde rural. Non seulement les nouveaux élus issus de ces scrutins ne rassurent pas, mais ils semblent plus préoccupés par les avantages personnels qu’un acte III mal pensé et mal maitrisé leur avait promis.
  • Le carnaval programmé qui s’apparente à un bal masqué (même si l’identité des acteurs est connue), n’apportera rien de plus que des désagréments à Ndoumbélaan.
  • Le Gladiateur qui l’organise n’a d’autre but que d’en récolter des gains politiques non sans avoir au détour enrichi quelques clients et quelques potentiels candidats au désordre qui s’estiment mal servis par son magistère.
  • L’Empereur a du mal à digérer la grosse gifle du 29 Mars. Il ressent l’embastillement de son rejeton (qualifié de citoyen le plus intelligent de Ndoumbélaan) comme un pieu dans son œil de cyclope et qui l’empêche de voir le monde tel est. Il cherche donc à faire mal. Comme dans une corrida, il tente d’asséner des coups  à chaque opportunité pour affaiblir son sujet avant faire place au matador pour l’acte final.
  • Incendiaire rusé et juriste averti, il sait allumer la mèche loin de la cible pour pouvoir plaider son innocence après. N’est ce pas sa fameuse phrase « Vous voulez marcher, alors marchez » qui fut à l’origine des tragiques évènements du 16 Février où son « meeting pacifique »  autorisé avait dégénéré en bain de sang.
  • La police, qui avait été surprise lors de ces tristes événements, humiliée, torturée et massacrée, n’est-elle pas elle-même prise en otage sans pouvoir donner son avis ? En tout cas, en dehors de tout réflexe partisan, elle restera sous pression et devra faire appel à toutes ses ressources pour ne pas cracher du feu à la moindre étincelle.   

C’est au regard de ces paramètres que le Gladiateur devrait agir, opportunément pour faire pencher la balance de son coté. Il a maladroitement fait appel comme souvent au « droit de faire comme bon lui semble », parce qu’il est le chef. Et il a perdu, du moins la première bataille d’une guerre qui ne fait que commencer.

L’art de gouverner repose sur la collecte et l’analyse de masse critique d’informations. Mais la collecte et l’analyse de ces informations ne peut être que le fait d’experts (instrument de pouvoir) n’exerçant pas le pouvoir, détachés des humeurs subjectives du pouvoir. Cette mission peut être confiée à une institution non partisane. C’est un luxe des grandes puissances et des grandes démocraties. A défaut, un entourage plus patriote et moins laudateur le ferait aussi même en demeurant partisan.  

Ce laboratoire, le Gladiateur n’en dispose pas ou du moins peine à le mettre en valeur. L’embryon fécond qu’on avait pressenti autour de lui au début de son magistère,  il l’a réduit au silence dans le secret de son palais ou à coup d’invectives et de querelles de chiffonniers sur la place publique. 

Que vient faire dans cette atmosphère le recueil d’anecdotes du plus grand transhumant de l’histoire de Ndoubélaan qui a vendu son parti en échange du poste promis à un grand homme de lettres (suivez mon regard) quelques temps avant sa débâcle ?

Au lieu d’user de son influence ou ce qui lui reste de capital de sympathie auprès des protagonistes pour sauver ce dernier acte (et c’était possible), qui a une valeur de repas d’adieu pour lui, il  a choisi le moment pour piquer au vif ou égratigner un groupe d’hommes et de femmes qui ne manquent certainement pas de petites histoires anecdotiques à raconter sur son parcours.

Vraies ou fausses, ces mémoires ne seront donc autre chose que des bribes mal enchevêtrées de quotidiens d’humains avec leurs forces et leurs faiblesses, sorties d’une mémoire sélective où les grands tournants de l’histoire de Ndoumbélaan auront été occultés. Plus que le fait d’un écrivain du dimanche, l’histoire n’en retiendra que le baroud d’honneur d’un homme égoïste, grand par la taille, qui s’est fait tout petit en cherchant à humilier ses compagnons pour n’avoir pu lui assurer la présidence à vie à laquelle il aspirait.

BANDIA, Novembre 2014

* Ce titre émane de la rédaction et non de l'auteur

 

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