La Couverture maladie universelle (CMU) : des ambitions à la réalité
Atelier international d’échanges sur la protection sociale
" La Couverture maladie universelle (CMU) : des ambitions à la réalité"
Dakar le 26 novembre 2016
Organisé par le PIT-Sénégal et le Collectif Afrique du PCF avec le soutien de la Fondation Gabriel Péri
Justificatif/Contexte
Le système de santé du Sénégal
1 Le soubassement colonial
La médecine a longtemps été présentée comme le côté noble de la colonisation, mais elle a été aussi et surtout un instrument. « La médecine voyageait dans les navires des explorateurs ; elle marchait avec les armées des colonisateurs. Elle a été présente dès le début, et impliquée dans toutes les phases subséquentes de la colonisation, de l’exploration à la conquête, de la formation de l’État à l’exploitation des ressources humaines et naturelles. La construction des systèmes de soins de santé « modernes » en Afrique a d’abord été politique. Ce qui leur est spécifique, c’est moins la situation épidémiologique, l’évolution des techniques et connaissances médicales ou les conflits avec les « médecines traditionnelles », que les questions d’organisation, de financement, et, surtout, d’engagement de l’État. L’État colonial d’abord, indépendant ensuite, a joué un rôle de premier plan pendant le siècle qui a suivi le partage de l’Afrique. Ce n’est qu’à partir des années quatre-vingt que cette continuité a été remise en question. Cette cassure donne une clef de lecture essentielle de la situation de crise permanente de nombreux systèmes de soins en Afrique au début du XXIᵉ siècle ». (Van Lerberghe et De Brouwere, 2000).
2 Les politiques de santé après les indépendances
Après les indépendances, les nouveaux gouvernements se sont engagés dans l’extension des services de santé de base dont la très grande majorité de la population était privée. Le principe de gratuité des soins était un des fondements de l’offre publique de soins. Des pays comme la Guinée et le Mali, s’opposèrent à l’exercice privé des professions de santé. Cette politique a également reposé sur le développement des programmes verticaux. (Audibert et al, 2004)
Dans les années 60, les politiques de santé se définissaient en termes de programmes verticaux privilégiant des stratégies de lutte contre les grands fléaux en négligeant les actions en faveur de la viabilité des organisations qui conçoivent et exécutent ces politiques. Cette approche était logique à une époque où la santé, définie comme l’absence de maladie, était marquée par une forte déficience de l’hygiène du milieu et par des pratiques culturelles néfastes à la santé. La situation épidémiologique, dominée par les pathologies infectieuses, se prêtait bien à une stratégie de lutte où la cause était identifiée, les mécanismes d’intervention connus et la logistique nécessaire bien maîtrisée. La cause directe des fléaux relevait du champ de la médecine dont les professionnels étaient à la tête de l’administration chargée de la santé. La prise en compte de la dimension économique n’entrait pas dans la culture dominante. Le contexte politique et économique de cette époque était aussi favorable à cette logique réduisant les politiques de santé à une série d’actions bien délimitées, conduites pour répondre aux besoins sociaux de la population : la croissance était considérée comme le moteur du développement induisant mécaniquement, avec l’élévation du niveau de vie, l’amélioration de la santé de la population. La très forte progression de l’espérance de vie des pays les moins avancés entre la décennie 60 et le milieu des années 80 pouvait donner raison aux arguments politiques et économiques de l’époque, d’autant que des analyses statistiques montraient qu’une large part de cette progression résultait de l’amélioration des conditions de vie, d’une meilleure sécurité alimentaire et de l’élévation du niveau d’éducation.
La déclaration d’Alma Ata en 1978 en faveur des soins de santé primaires ne peut mieux être appréhendée sans tenir compte du contexte historique qui l’a vu surgir. Le contexte historique est celui de la confrontation Est-Ouest où les appels à la justice sociale et à l’équité sont aux devants de la scène dans les pays développés comme dans les pays en développement.
Ce contexte n’a pas manqué d’influencer l’OMS qui dans sa constitution souligne que « la santé n’est pas la simple absence de maladie » préparant l’idée que la santé est une conséquence, et une contribution, au progrès social et politique et qu’elle n’est pas seulement le résultat de la disponibilité des services médicaux.
Cette idée a fait son chemin dans les instances internationales.
« En 1978, les soins de santé primaires sont adoptés par l’Assemblée mondiale de la santé comme représentant l’avenir des soins de santé, incarnant une reconnaissance du concept de bonne santé, fruits de facteurs socio-économiques et de justice sociale. »
Cela marque une rupture par rapport à la période d’avant-guerre, au cours de laquelle les professionnelles de la médecine recherchaient des solutions scientifiques.
La seconde phase, tout en réaffirmant l’orientation en faveur des soins de santé primaires, introduit la participation financière des usagers et cherche à intégrer les actions de santé selon une approche en termes de système de santé de district. C’est ce que l’on appelé l’Initiative de Bamako.
L’initiative de Bamako, adoptée en 1988, se voulait une politique de relance de la stratégie des soins de santé primaires tout en renforçant l’équité d’accès aux soins. Dix ans après, des recherches au Mali et au Burkina Faso ont constaté le fait que cette politique ne s’est pas traduite en un meilleur accès aux services de santé parmi les plus démunis, qu’elle n’a fait que marginaliser davantage certains sous-groupes déjà très vulnérables au profit d’une plus grande viabilité financière des structures et que l’exemption du paiement pour les indigents est une solution viable mais socialement non envisagée. (Ridde et Girard, 2004). Un échec qui s’explique également par la mise en place des Plans d’ajustement structurel, dans le cadre de l’endettement des pays africains, visant à les obliger à se fondre dans la mondialisation capitaliste. Les logiques néo-libérales imposées, de restrictions budgétaires et de privatisation, ont durement frappées les États, les services publics, dont les services de santé et d’éducation.
La troisième phase, fortement influencée par les analyses entre santé et développement et les Objectifs pour le développement, met en exergue la nécessité de développer les dispositifs assuranciels. La déclaration du Millénaire marque un tournant décisif pour les politiques internationales en faveur du développement. La situation sanitaire des pays du sud est telle que trois des Objectifs du Millénaire pour le développement concernent la santé, outre celui de rendre les médicaments essentiels disponibles et abordables pour les pays en développement. Mais derrière ces objectifs en apparence louables, se cachent des logiques qui le sont moins, avec le développement d’une médecine à plusieurs vitesses, induisant des inégalités fortes dans l’accès aux soins. Le droit à la santé reste un vœu pieux pour des millions d’habitants. Les logiques de marchés induisent une réponse partielle – y compris en termes qualitatifs – pour la classe moyenne émergeante. La déstructuration des systèmes de soins, quand ils ne sont pas sinistrés, posent finalement des problèmes de santé publique. Le cas de la propagation du virus Ébola en étant l’exemple le plus symptomatique.
Plus largement, la quasi absence de systèmes de sécurité sociale pèse, au-delà des conséquences sanitaires, sur les perspectives de développements.
La Couverture maladie universelle
Les questions de protections sociales et notamment celles relatives à la protection contre le risque maladie sont depuis quelques années dans les agendas internationaux. Ainsi, la résolution 58.33 de l’Assemblée mondiale de la santé de 2005 déclare que tout individu doit pouvoir accéder aux services de santé sans être confronté à des difficultés financières. Le 6 décembre 2012, la 67ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution appelant chaque État membre à éviter de recourir au paiement direct des soins par les usagers et à financer son système de santé par le biais de mécanisme plus équitable et solidaires.
Le Gouvernement du Sénégal s’est inscrit dans cette perspective et le Président de la République a lancé en septembre 2013, le programme national de Couverture maladie universelle avec pour objectif intermédiaire une couverture de 75 % de la population à l’horizon?
Pour ce faire, le 7 janvier 2015 par le décret N°2015-21 il est créé l’Agence de Couverture Maladie Universelle (CMU) qui a pour mission d'assurer la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement de la Couverture maladie Universelle. Cette agence assure la tutelle des régimes de la Couverture Maladie Universelle, à l'exclusion de ceux relevant de l'assurance maladie obligatoire des travailleurs salariés, et a en charge l'encadrement technique des organismes de prévoyance qui les constituent.
La stratégie de développement de la Couverture maladie universelle telle qu’envisagée par le plan d’action 2013-2017 est basée sur le développement et l’extension du mouvement mutualiste. L’objectif général du Plan d’Action 2013-2017 est d’étendre la couverture maladie de base à 100% des populations du secteur informel et du monde rural à travers les mutuelles de santé à l’horizon 2017.
Fin 2016, il convient de dresser de premiers constats et d’étudier si les objectifs affichés peuvent être atteints.
Objectif de l’atelier
Cet atelier qui réunira des professionnels de la santé, des représentants des forces de progrès, des militants des Droits de l’Homme vise à enrichir le débat sur la question de la couverture maladie universelle en attirant l’attention sur la nécessité de la considérer comme un « bien commun » c’est-à-dire ce que partage le corps social.
Il nous faut en conséquence remettre au centre du débat la question de l’État social dont la couverture maladie universelle est un élément constitutif. L’État social basé sur le principe de citoyenneté, d’égalité de droits et de solidarité organique financé soit par des cotisations, soit par la fiscalité.
Avec une perspective dans la construction d’un système de santé au Sénégal, celle de la mise en place d’un système solidaire, adapté aux réalités africaines, répondant à chacun selon ses besoins, et de chacun selon ses moyens.
PROGRAMME
8h30 : Accueil des participants
9h00-9h20 : Ouverture de l’Atelier par Samba Sy, Secrétaire général du PIT et Dominique Josse pour le Collectif Afrique du PCF
9h20-9h40 : Introduction par les organisateurs : Ibrahima Sène (PIT-Sénégal), Félix Atchadé (PCF)
9h45-11h00 : Session 1 :
-Couverture Maladie Universelle au Sénégal : État de mise en œuvre et perspectives. Par Monsieur Khalifa Aboubekr Mbengue Directeur général de L’Agence de le Couverture maladie universelle (CMU).
- La protection sociale et la couverture du risque maladie : nouveau cheval de Troie du néolibéralisme ?
Par le Docteur Félix Atchadé (PCF)
- Échanges avec la salle
11h00-11h15 : pause-café
11h15-13h15 : Session 2
- Monde du travail et Couverture maladie universelle au Sénégal : attentes et propositions. Par le Docteur Mohamed Ly est secrétaire administratif du Syndicat Démocratique des Travailleurs de la Santé et du Secteur Social (SDT3S)
- Le PIT et la couverture maladie universelle au Sénégal : quelles propositions pour son implémentation. Par Ibrahima Sène, Secrétaire du Comité Central en charge des questions économiques et sociales.
- L’Ordre des médecins et la CMU au Sénégal : quel diagnostic ? Représentant de l’Ordre des médecins.
- Échanges avec la salle
- Synthèse et perspectives, avec la participation de Lydia Samarbakhsh (Responsable des relations internationales du PCF) et Samba Sy (Secrétaire général du PIT)
13h15-14h30 : repas
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