PÉTROLE ET GAZ: CHRONIQUE D'UNE SPOLIATION PAR OUSMANE SONKO
Aujourd'hui, samedi 13 mai 2017, l'inspecteur principal des Impôt et Domaines par ailleurs président de Pastef Les Patriotes va procéder à la cérémonie de dédicace de son livre consacré à la gestion des ressources naturelles du Sénégal (pétrole, gaz, zircon). En attendant, votre site Dakarmatin vous propose les bonnes feuilles du brûlot d'Ousmane Sonko intitulé "Pétrole et gaz au Sénégal : chronique d'une spoliation". Voici un premier jet.
« Pétrole et gaz au Sénégal Chronique d’une spoliation »
……….Quand on examine leur profil, on est frappé par la singularité des entreprises Contractantes avec l’état du Sénégal dans le domaine des hydrocarbures. Il est vrai qu’aujourd’hui, les compagnies major s’investissent de moins en moins dans l’activité d’exploration et préfèrent laisser les juniors, ou même de petites indépendantes, prendre les risques importants inhérents à cette étape, pour ensuite négocier leur entrée sous forme de joint-venture ou de contrat d’affermage, à défaut de racheter tout bonnement les permis.
Nous pouvons donc admettre que les états non pétroliers recourent à ces dernières, pour explorer leur potentiel en hydrocarbures, en leur offrant d’ailleurs un cadre incitatif très attrayant.
Cependant, cela ne doit en aucun cas justifier de transiger avec les exigences de transparence, de crédibilité et des références de l’opérateur. Si l’on regarde attentivement le profil de la plupart des entreprises avec lesquels le Sénégal a contracté, trois constats se dégagent :
- Des sociétés à très faible capitalisation créées pour la circonstance
Le secteur des hydrocarbures, de l’amont à l’aval, est un secteur exigeant qui nécessite de gros moyens financiers et techniques. C’est pourquoi il est requis des entreprises qui soumissionnent pour un bloc donné de justifier de références techniques et de capacités ou garanties financières conséquentes.
Tel n’est pas le cas de certaines compagnies auxquelles ont été attribués certains des blocs les plus prometteurs du bassin sénégalais.
C’est le cas de PETRO-TIM Limited, créé le 19 janvier 2012 avec un capital social de seulement 25 millions de francs CFA (50 000 Dollars US). Cette entreprise, qui d’évidence n’était qu’un écran, rétrocéda à TIMIS Corporation les blocs de Cayar et Saint-Louis offshore profond à peine deux ans plus tard. TIMIS Corporation, elle-même également créée pour la circonstance, cédera un mois plus tard 60% de ses intérêts à KOSMOS, sous la forme d’une convention d’affermage.
C’est le cas ensuite de TENDER OIL AND GAS CASAMANCE SARL, créée le 05 septembre 2013 avec un capital social de 10 millions de francs CFA. C’est avec elle que le gouvernement a conclu des CRPP pour les blocs de Saloum et Sénégal Onshore Sud, dans une totale opacité. Au moment où j’écris ces lignes, TENDER OIL, par convention de cession de parts déposé le 08 novembre 2016 par devant Maître Alioune Ka, notaire, a cédé la totalité de ses parts sociales à une société émiratie inconnue dénommée CONSULTANCY FZE. La cession est consentie et acceptée, curieusement, au prix de 10 millions de francs CFA, soit le montant du capital social.
- Des sociétés à la réputation souvent sulfureuse
Certains des hommes d’affaires tapis derrière ces compagnies trainent des réputations sulfureuses de mauvais garçons des affaires.
L’australo-roumain, Frank Timis, est un homme d’affaire pour le moins atypique. Sa ténacité est toutefois à saluer, il s’est lancé dans les affaires sur les quatre continents que sont l’Europe, l’Australie, l’Afrique et l’Amérique. Tout y est passé, de ses débuts dans le transport par camion, au pétrole maintenant, prolongement certes logique de ses activités minières.
Parmi ses entreprises phares, Gabriel Resources - African Minerals - Pan African Minerals - European Goldfields, pour les activités minières, et African Petroleum - Petroleum International - Regal Petroleum pour les activités pétrolières et gazières.
Mais l’homme a souvent essuyé des échecs[1] et a toujours été controversé, tantôt pour ses méthodes dans les affaires, tantôt pour ses techniques d’exploitation.
De 1996 à maintenant, il s’est plus distingué par des pratiques peu orthodoxes telles :
- Difficultés financières avec ses créanciers, soupçons de collusion avec les autorités administratives et oppositions avec les populations et les organismes de défense de l’environnement[2] ;
- Bulle spéculative autour du pétrole roumain, ukrainien mais surtout grecque, et enquête pour soupçon d’appartenance au crime organisé[3] ;
- Propension au sous-investissement et au non-respect des engagements souscrits dans les contrats[4].
- Il a même était déchu, depuis octobre 2014, de toute responsabilité exécutive de la compagnie African Petroleum, à laquelle deux licences d’exploration ont été attribuée au Sénégal, exigence préalable à la cotation de l’entreprise à la bourse d’Oslo.
De manière plus personnelle, la presse sénégalaise a fait relation de ses multiples démêlés avec la justice pour des délits allant du vol, de l’excès de vitesse au trafic de fortes quantités de drogue[5].
Ce n’est donc presque pas surprenant d’entendre son nom cité dans le fameux dossier des « Panama papers ».
Son compatriote, ami et partenaire, l’homme d’affaire roumain Ovidiu TENDER, ne présente guère mieux, lui à qui l'Etat du Sénégal a cédé, au mois de février 2016, deux blocs de pétrole, à savoir Saloum et Sud Sénégal Offshore. Le patron du groupe TENDER a été condamné, en juin 2015, à une peine d’emprisonnement de 12 ans et 7 mois par le tribunal de Bucarest en Roumanie pour fraude, corruption et blanchiment d'argent.
Enfin, Cairn Energy et KOSMOS ont été exclu de l’univers d’investissement du Fond de Pension de l’Etat norvégien, sur recommandation de son Conseil de l’Ethique[6] ; à cause notamment de leur investissement continu dans l’exploration pétrolière au large des côtes du Sahara Occidental.
Voilà le profil des « investisseurs » auxquels nos gouvernants ont confié notre pétrole et notre gaz, et dont parle le Premier de nos ministres lorsqu’il déclare : « Par contre, d’autres évoquent la question en versant dans l’invective et la désinformation, véhiculant de fausses allégations et des contrevérités pour tromper les sénégalais, décourageant en même temps les firmes internationales engagées dans l’exploration et le développement de ces ressources potentielles. ».
Lesquels de nous, pauvres citoyens désarmés, ou d’eux, « investisseurs téméraires », devraient-ils avoir peur des autres ?
- Des compagnies nichées dans des paradis fiscaux
Le troisième constat, qui a son importance en la matière, c’est que beaucoup de ces compagnies, contractantes avec l’Etat du Sénégal pour l’exploration ou l’exploitation d’hydrocarbures, sont domiciliées dans des paradis fiscaux.
Et ce n’est pas une simple coïncidence que celles qui y résident soient celles-là même dont la crédibilité technique et financière et la réputation en affaire restent à démontrer.
Le paradis fiscal, ou tax haven en anglais (refuge fiscal), peut être défini comme un pays ou territoire à fiscalité réduite ou nulle, où le taux d'imposition est jugé très bas en comparaison avec les niveaux d'imposition existant dans les pays de l’OCDE[7]. Il réunit donc quatre critères que sont : des impôts inexistants ou insignifiants, une absence de transparence, une législation empêchant l'échange d'informations avec les autres administrations et enfin une tolérance envers les sociétés écrans ayant une activité fictive.
La domiciliation dans les paradis fiscaux répond généralement à un souci planifié d’échapper à tout ou partie des impôts et taxes du pays d’exercice des activités, par des mécanismes d’optimisation fiscale ou, pire encore, de fraude fiscale.
Pas étonnant de trouver dans le tableau suivant, les mêmes sociétés « douteuses » dans ces zones de non droit fiscal.
A noter également que le trio Frank Timis, Eddy Wang et Ovidiu Tender détient à lui seul 6 blocs pétroliers au Sénégal, qui s’avèrent d’ailleurs parmi les plus prometteurs.
RAISON SOCIALE | ADRESSE |
SENEGAL HUNT OIL | FILIALE HUNT OIL, société de droit des Iles Cayman |
ELENILTO Sénégal LLC | régulièrement enregistré à Anguilla, Kamilah House, Rock Farm, British West Indies
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PETRO-TIM LIMITED | Société de droit des Iles Cayman ayant son siège à Georges Town, Grand Cayman |
KOSMOS SENEGAL |
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REX Atlantic Ltd | Filiale à 100% de REX OIL & GAS, société de droit des Iles Vierges Britanniques |
TENDER CASAMANCE OIL & GAS Ltd | 8 Rue 2 Chalkidos, Larnaca, Cyprus |
TIMIS CORPORATION Limited | société anonyme assujettie à la Loi des Iles Vierges Britanniques, enregistrée au Registre de Commerce de Road Town |
Cet état de fait prépare à n’en point douter, quand surviendra la période d’exploitation, une évasion ou fraude fiscale à grande échelle. Ce qui sera d’ailleurs facilité par la très grande porosité de notre administration fiscale confrontée à des difficultés telles le manque d’effectifs en quantité et en qualité, le clientélisme dans la gestion des carrières, mais aussi et surtout la gestion malsaine des grands dossiers, qui instaure toujours un climat de suspicion de corruption et, plus grave encore, démoralise les agents sérieux et intègres.
Le refus injustifiable du directeur général des impôts et des domaines de tirer les conséquences fiscales des cessions d’intérêts dans l’affaire PETRO-TIM en donne un avant-goût inquiétant.
Dans son livre consacré à la gestion des ressources naturelles du Sénégal (pétrole, gaz, zircon), Ousmane Sonko revient sur les manquements liés au contrat de Petro-Tim. Après un premier jet, Dakarmatin vous propose un second du brûlot de l'ancien inspecteur des Impôts et domaines, auteur de "Pétrole et gaz au Sénégal : chronique d'une spoliation".
Les éclairages ci-dessus permettent de ressortir les entorses qui jalonnent le dossier PETRO-TIM, de la signature du CRPP à la cession des intérêts de participation. [1] Maître Ibrahima Dawara, «Affaire Petro Tim : Journal en droit facile », http://xalimasn.com/, 2 octobre 2016 [2] Le Contrat de Recherche et de Partage de production a été signé : - pour le compte de Petrosen, par le directeur général, monsieur Ibrahima MBODJ ; - pour la République du Sénégal, par monsieur Karim WADE, ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie ; - et approuvé par le Président de la République, son excellence Maître Abdoulaye WADE. [3] Lettre Abdoul Mbaye |
Dans son livre intitulé "Pétrole et gaz au Sénégal : chronique d'une spoliation", Ousmane Sonko n'a pas manqué de parler de la responsabilité de l'ancien ministre de l'Energie, Aly Ngouille Ndiaye. Dakarmatin vous propose un troisième jet du brûlot de l'ancien inspecteur des Impôts et domaines. [1] Article 15 de la loi n° 98-05 du 08 janvier 1998 portant Code pétrolier. [2] Article 30 du décret n° -98-810- du 06 Octobre 1998 fixant les modalités et conditions d’application de la loi n° 98-05 du 08 janvier 1998 portant Code pétrolier. [3] Article 63 du Code pétrolier [4] Article 56 du Code pétrolier [5] Affaire révélée par l’excellent Baba Aïdara, citoyen et journaliste d’investigation sénégalais établi aux Etats-Unis, dans une vidéo postée le 16 Février 2015 sur la toile. [6] Article intitulé «Le marché de 300 milliards à African Energy…Le scandale se précise : Aly Ngouille Ndiaye au cœur du processus », publié le 02 mars 2015 par Birahim SECK du Forum Civil, sur le site d’information général Xibaaru.com [7] Au cas où il y aurait eu versement de cash, ce que l’administration fiscale doit pouvoir facilement vérifiée si la volonté y était. [8] Contribution publiée le 18 septembre dans plusieurs colonne et la presse en ligne, intitulée «LE MINISTRE DES FINANCES DANS L’AFFAIRE PETRO TIM : ENTRE COMPLICITE ET BLANCHIMENT DE FRAUDE FISCALE » |
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