Les prix alimentaires ont dépassé le pic atteint en 2008. De nouvelles révoltes de la faim risquent-elles d’éclater ?
Aurélie Trouvé. Sans aucun doute. On a en beaucoup parlé en 2008 parce qu’elles touchaient les villes, ce qui est le cas lorsque les prix s’affichent à la hausse. Mais n’oublions pas que lorsqu’ils baissent, la crise frappe les campagnes. Qu’ils soient bas ou hauts, au final, le problème majeur est celui de la volatilité des prix.
Les aléas climatiques suffisent-ils à l’expliquer ?
Aurélie Trouvé. Non. C’est la dérégulation des marchés qui l’explique. Le secteur agricole est par essence fluctuant, d’une part en raison de ces aléas climatiques, d’autre part parce que la demande est, comme on dit, « inélastique » : elle reste la même, que l’offre chute ou qu’elle augmente. Pour parer à ce phénomène, il existait des politiques régulatrices nationales ou régionales qui permettaient de décrocher les prix intérieurs de ceux du marché mondial afin de garantir leur stabilité. Mais la Banque mondiale, le FMI et enfin l’OMC sont passés par là. Les plans d’ajustement structurel ont sonné le glas des barrières douanières et des politiques de régulation partout dans le monde. Les pays pauvres sont d’autant plus impactés que leur dépendance alimentaire est forte. Concurrencés par l’agriculture hypersubventionnée des pays riches ou celle hypercompétitive de pays émergents tels que le Brésil, ils ont, depuis vingt ans, réduit leurs productions. Deux tiers d’entre eux sont aujourd’hui des importateurs nets de produits alimentaires. La spéculation, enfin, finit d’expliquer l’amplitude de la volatilité. En 2008, on a vu des prix croître de 30 % en quelques heures sur les marchés à terme.
Qu’est-ce qui aurait dû être entrepris depuis 2008 ?
Aurélie Trouvé. L’annulation de la dette des pays du Sud, d’abord, de même que l’instauration du droit à la souveraineté alimentaire des peuples. Une vraie régulation publique mondiale aussi, orchestrée par l’ONU. Enfin, la fermeture des marchés à terme et l’interdiction des hedge funds sur les denrées. Rien de tout cela n’a été entrepris. Le scénario de 2008 est en passe de se reproduire. Tout le monde va s’en indigner. Mais personne n’aura rien fait.
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