NOTE D'INFORMATION DU M23 SUR LE SENAT
MOUVEMENT DES FORCES VIVES DU 23 JUIN-M23
NOTE D’INFORMATION SUR LE SENAT
Assemblée Générale du 25 Août 2012
Le Parlement sénégalais est bicaméral : il se compose, depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n°2007-06 du 12 février2007 de l'Assemblée nationale et du Sénat.
1. Sur l’opportunité d’un Sénat dans le contexte sénégalais
Le Sénégal est un Etat unitaire décentralisé. Or c’est dans un Etat fédéral que le bicaméralisme se justifie vraiment. La seconde chambre du Parlement, dans ce genre d’Etats, constitue l’instance de représentation des divers Etats composant la Fédération. C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, le Sénat qui coexiste avec la chambre des représentants au sein du congrès, représente les intérêts des Etats fédérés. En Allemagne, à côté du Bundestag, il y a le Bundesrat, assemblée qui représente les différents länder qui ont chacun un gouvernement autonome; il en va de même du Conseil des Etats en Suisse etc. Dans ces Etats, la deuxième chambre est, en règle générale, le cadre de participation des unités fédérées au Pouvoir législatif.
Dans les Etats unitaires, la deuxième chambre n’est jamais d’une nécessité absolue. La preuve, le Sénégal a fonctionné de 1960 à 1998 et de 2001 à 2007 sans une deuxième chambre au Parlement. Il n’est pas non plus prouvé que de 1998 à 2001 puis depuis 2007, le législatif a mieux joué son rôle.
Deux arguments principaux sont avancés pour justifier l’existence d’une deuxième chambre dans les Etats unitaires. Premièrement, la seconde chambre est considérée comme le lieu de la représentation territoriale. Elle est l’instance de représentation des collectivités décentralisées (C’est le cas en France, en Espagne, etc.). Deuxièmement, elle est considérée comme une« chambre de réflexion » permettant d’éviter les décisions hâtives, bâclées. Cela suppose bien sûr qu’elle dispose des ressources humaines en nombre suffisant et de pouvoirs constitutionnels réels lui permettant de prendre les décisions appropriées.
Ces arguments ne résistent pas à l’analyse dans le contexte sénégalais. Ce n’est pas au Sénégal où peut prévaloir l’idée de fractionner le Parlement en deux pour obtenir l’équilibre du régime parlementaire. Il s’agit d’affaiblir le Parlement pour ne pas gêner l’Exécutif. (Ce fut le cas en 1795 en France, en réaction à la toute-puissance de la Convention, ou sous le second Empire, après la parenthèse républicaine de 1848-1851). Au Sénégal, on a pratiqué, à partir de 1963, un présidentialisme pur et dur et le Parlement, sans états d’âme, a toujours soutenu le Président de la République en exécutant tous ses désirs.
Ce n’est pas non plus au Sénégal où, jusqu’ici, la décentralisation est plus théorique que réelle que l’idée d’une représentation territoriale peut prospérer. Les collectivités locales ont plus besoin de voir leurs déficits en moyens financiers, humains et infrastructurels, comblés, qu’autre chose. Elles sont sans moyens en rapport avec la charge résultant des compétences transférées.
2. Sur l’utilité du Sénat.
Le Sénat est, au Sénégal, une deuxième chambre législative. On peut par extrapolation lui assigner deux missions : celle, d’abord, de permettre une représentation des collectivités locales au niveau du Pouvoir législatif. Il faut admettre alors que ces dernières sont très largement sous représentées.14 régions, 172 communes et 384 communautés rurales, soit 572 collectivités locales, sont représentées par 45 élus. Celle, ensuite, de jouer un rôle de« chambre de réflexion » pouvant dès lors être en désaccord avec l’Assemblée nationale sur un projet ou une proposition de loi. Dans le préambule de la résolution portant règlement intérieur du Sénat, il est mentionné qu’il y a, avec la naissance du Sénat, « un vrai bicaméralisme » au Sénégal. Oh, que non ! S’il y a un « vrai bicaméralisme », c’est certainement celui d’Italie. Le bicaméralisme italien est égalitaire: les deux chambres du Parlement ont strictement les mêmes pouvoirs. Le système sénégalais n’est même pas inégalitaire à l’image de celui de la France ; c’est un faux bicaméralisme. Le fait que de tous les Etats africains qui ont un Parlement bicaméral, le Sénégal est le seul où il n’y a pas réunion d’une commission mixte en cas de désaccord des deux Chambres. Au Gabon, au Congo, au Maroc, en Tunisie…lorsque, par la suite d’un désaccord entre les deux Chambres, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après une lecture par chaque Chambre, l’Exécutif a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. Cela n’existe pas au Sénégal. En cas de désaccord entre l’assemblée nationale et le Sénat, ou si le Sénat ne s’est pas prononcé dans les délais prévus au deuxième alinéa, l’Assemblée nationale statue définitivement..(Article 71 al 2 dela Constitution).
Les sénateurs ont certainement compris que même dans la procédure de révision de la Constitution, le Sénat ne peut pas empêcher l’adoption d’un projet ou d’une proposition de loi constitutionnelle. Même si les sénateurs refusent, à l’unanimité, d’adopter une loi, celle-ci est transmise à l’Assemblée nationale qui adopte définitivement. Restera alors l’approbation. En France, dans cette même matière, si le Sénat dit non, c’est terminé. Il n’ya aucune possibilité de le contourner s’il refuse de voter le projet ou la proposition dans les mêmes termes.
Les sénateurs sénégalais l’ont si bien compris qu’ils n’ont pratiquement jamais ramé à contre-courant par rapport aux députés. Sur 46 projets de loi votés en première lecture par l’Assemblée nationale, de l’ouverture de la Session ordinaire unique de l’année2009-2010 le 14 octobre 2009 à la clôture de la Session 2010-2011 le 28 juin 2011, le Sénat a adopté les 45 à l’unanimité. Une seule loi a enregistré un vote contre ; il s’agit de la loi instituant la parité absolue Homme-Femme qui a été adoptée le 19 mai 2010, à la majorité de 74 voix pour, 1 contre et 0abstention.
L’Assemblée nationale ne dispose pas simplement de plus de pouvoirs que le Sénat. Elle l’écrase, C’est la volonté du constituant sénégalais manifestée à travers plusieurs dispositions :
ü Le Sénat ne peut pas demander la tenue d’une session extraordinaire ;
ü Le Sénat ne peut pas déclencher la procédure de révision de la Constitution ;
ü Le dernier mot appartient à l’Assemblée nationale en cas de désaccord entre les deux chambres ;
ü Le Sénat ne peut pas mettre en jeu la responsabilité politique du gouvernement. Autrement dit, les Sénateurs ne peuvent pas, comme les députés, faire démissionner le Premier ministre ;
ü Tous les projets et propositions de lois (à l’exception des propositions initiées par les sénateurs) sont déposés et examinés en premier lieu par l’Assemblée nationale ;
ü La déclaration de politique générale est présentée devant l’Assemblée nationale ;
ü C’est l’Assemblée nationale qui fixe la date d’ouverture et la durée des sessions ordinaires (à l’exception de la date d’ouverture de la première session de l’Assemblée nationale ou du Sénat) ;
ü La déclaration de guerre est autorisée par l’Assemblée nationale ;
ü Aucune fonction n’est reconnue au Sénat en période d’état de siège ou d’état d’urgence contrairement à l’Assemblée qui se réunit de plein droit et qui a la compétence d’autoriser la prorogation de la période d’exception ;
ü Seule l’Assemblée nationale peut déclarer l’urgence pour réduire de moitié le délai de promulgation ;
ü Seul le Président de l’Assemblée nationale a la faculté de promulguer la loi en cas de carence du Président de la République.
L’énumération est longue mais elle est nécessaire pour comprendre que le constituant n’a pas seulement donné la primauté à la chambre issue du suffrage universel mais il a en même temps démontré que le Sénat est une chambre législative au rabais. Qu’est ce qui peut justifier, pour ne prendre que cet exemple, que les sénateurs ne puissent pas déclencher une procédure de révision constitutionnelle ?
Au total, le Sénat, tel qu’il est composé, tel qu’il fonctionne et avec les pouvoirs dont il dispose aujourd’hui au Sénégal est une institution inutile et coûteuse.
Pour avoir annoncé l’idée de créer un Sénat dans leurs réponses à la question sur les remous qui secouaient leurs partis, les Président Diouf comme Wade avaient confirmé dans leur conviction ceux qui pensent qu’il faut chercher ailleurs que dans la consolidation du système démocratique, les raisons du passage d’un parlement monocaméral à un parlement bicaméral.
Aujourd’hui les mêmes motivations politiciennes justifient la structure bicamérale du Parlement sénégalais. Il s’agit de calmer les déçus des investitures en leur miroitant un poste au Sénat. C’est ce qui justifie cette hérésie en démocratie : une chambre législative où c’est le président de la République qui nomme plus de la moitié des membres. Retenons que pour le Sénat (du régime socialiste), le président nommait 12 sénateurs sur un total de 60, ce qui avait été largement décrié par l’opposition d’alors. Aujourd’hui, le nouveau code électoral réserve un quota de 55 sénateurs à nommer sur un total de 100membres.
Le Sénat, aujourd’hui, n’a qu’une seule raison d’exister : servir de lieu de promotion social pour clientèle politique encombrant.
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