LOCALES 2009 : SE METTRE A LA HAUTEUR DES EXIGENCES POPULAIRES !
UNE “VICTOIRE AMERE” DES LIBERAUX
Malgré les allégations du ministre de l’Intérieur, selon lesquelles, la Coalition SOPI 2009 serait sortie victorieuse des récentes élections locales avec 38,73% des suffrages exprimés et 56,71% des collectivités locales, l’opinion communément admise au sein de la classe politique, toutes sensibilités confondues, est que le président Wade et son régime viennent d’essuyer une défaite politique majeure. Ce qui, par ailleurs, ne clôt pas le débat sur la fiabilité du fichier électoral en raison même de la nature locale du scrutin, dont l’importance est moindre que celle de la future élection présidentielle de 2012. C’est pourquoi, il est indispensable comme le reconnaît le Chef de l’Etat lui-même, lors de son discours à la Nation, à la veille de la fête de l’Indépendance de 2009, de “surveiller ce fichier” après l’avoir testé et validé.
Il n’est pas inutile de rappeler que le gouvernement libéral aura, au cours de ces deux dernières années, multiplié les embûches sur le chemin menant vers les élections locales, allant des multiples reports arbitraires des dates du scrutin au morcellement de la carte électorale en passant par le refus de se plier aux règles du jeu telles qu’édictées par les organes de régulation, que ce soit la CENA (forclusion des listes de la coalition SOPI 2009 à Ndoulo et Ndindy) ou la CNRA (couverture par la R.T.S. de la prétendue tournée économique du président Wade à la veille du scrutin).
Il n’a pas toujours été possible à l’opposition, dont le personnel politique avait perdu ses positions antérieurement acquises au Parlement, à la suite du boycott héroïque des dernières élections législatives, de disposer de la logistique et des moyens matériels et financiers nécessaires pour aller aux quatre coins du pays, acquérir toutes les pièces administratives utiles à la confection des listes dans toutes les collectivités locales, collectivités dont le nombre avait été démultiplié lors de la dernière réforme territoriale. C’est cela qui explique l’absence de listes des partis d’opposition dans plus de cent collectivités locales. C’est dire l’incongruité des calculs de la CAP21, qui se proclame arithmétiquement vainqueur d’élections où elle aura subi une lourde défaite politique reconnue par le président Wade himself, qui dit dans son discours du 03 avril avoir compris le message exprimé par les électeurs à savoir «le besoin de changement réel dans la gouvernance et une satisfaction des besoins populaires ».
Même si le taux de participation global estimé à 55,69 % paraît acceptable, il semble qu’on ait plus voté ou plus “fait voter” en zone rurale, là même où le contrôle citoyen a été le moins draconien et où les possibilités de fraude étaient donc les plus aisées.
L’UNITE DANS LA DOULEUR
La constitution des listes elles-mêmes a été pénible au niveau de tous les partis et de toutes les coalitions, essentiellement à cause de rivalités stériles ne portant que sur des questions de positionnement. Au bout du compte, le choix des candidats a davantage répondu à des critères de répartition des quotas entre forces politiques, qu’à la nécessité de confectionner une liste cohérente comprenant des personnalités connues pour leur dévouement à la cause de leur communauté et reposant sur de solides bases programmatiques et un esprit d’équipe. La boulimie des partis politiques, dont la voracité était inversement proportionnelle à leur représentativité réelle, aura d’ailleurs empêché en maints endroits la jonction avec des secteurs importants et dynamiques de la société civile.
MAJORITE NE RIME PAS TOUJOURS AVEC REPRESENTATIVITE
La recherche de consensus forts constitue la meilleure démarche dans le cadre de la gouvernance locale. Or, cette dynamique est fortement compromise par le mode de scrutin majoritaire à un tour qui, s’il permet effectivement à la liste arrivée première d’obtenir une majorité stable au sein du conseil municipal, ne règle pas du tout le problème de légitimité et de représentativité des conseils de collectivités locales. L’instauration d’une proportionnelle intégrale ou à défaut d’un scrutin majoritaire à deux tours, obligerait les différentes forces en présence à s’entendre sur un projet consensuel réaliste et non populiste, loin des préoccupations politiciennes de toutes sortes. Plaçant le citoyen et lui seul au centre des préoccupations des conseils de collectivités locales, la négociation permettrait de garantir la durabilité des actions au niveau local et de prendre en compte la diversité des divers pôles de pouvoirs locaux, afin de développer des procédures d’échanges, de concertation et de négociation entre ces pôles d’influences.
Même si les présidents des collectivités locales nouvellement élus essaient de trouver une parade consistant à convoquer, après leur “victoire électorale”, des fora ou ateliers pour élaborer de manière “consensuelle” un programme de développement de leur collectivité locale, certains d’entre eux, surtout ceux proches des milieux du pouvoir sont rattrapés par leurs pratiques d’achat de conscience ou de clientélisme politique, qui ne les prédisposent aucunement à une démarche participative ni à une mobilisation communautaire si indispensables pour conduire des fora et autres Etats Généraux dans telle ou telle collectivité locale.
L’éviction des leaders naturels de la communauté par des responsables politiques “préfabriqués” à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes, crée un hiatus entre la démocratie représentative formelle (telle que symbolisée par le processus électoral) et la légitimation de l’action publique locale par le développement de la participation communautaire et la construction progressive de la citoyenneté.
Par ailleurs, on a noté, au-delà des forces politiques traditionnelles, une intrusion de nouvelles forces. Si on peut se féliciter des progrès enregistrés par des listes citoyennes et/ou écologistes, on peut s’inquiéter de la kyrielle de listes de candidatures confectionnées sur des bases communautaristes et/ou ethnocentristes, qui ont pu fausser le sens de cette consultation électorale. Cela pose la nécessité d’encadrer la légitime revendication des organisations de la société civile de participer sans aucun parrainage d’organisations politiques aux élections locales, en raison des risques de renforcement des tendances séparatistes ou centrifuges dans certaines régions de notre pays.
EFFORTS VERS L’UNITE DE L’OPPOSITION
Après les errements de la présidentielle de 2007, au cours de laquelle, l’absence d’unité de l’opposition aura facilité le hold-up électoral de la Coalition SOPI, face à l’indifférence générale d’un électorat désorienté, l’opposition a eu à subir les douloureuses conséquences de son courageux boycott des législatives face à un pouvoir libéral, qui ne lui a fait aucun cadeau, mais qui a été rattrapé par la détérioration de la situation sociale et son isolement croissant dû à ses violations répétées des principes de bonne gouvernance.
Cela a conduit l’opposition parlementaire et la société civile à se rapprocher de plus en plus des positions de l’opposition extra-parlementaire “boycotteuse”, qui libérée de l’effet anesthésiant du parlementarisme bourgeois et de plus en plus impliqué dans les batailles autour de la défense des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance, lancera l’initiative des Assises Nationales. Ainsi, le ras le bol généralisé contre la détérioration du pouvoir d’achat des larges couches populaires et la mal-gouvernance devront faire le lit de profondes convergences pour mettre en pratique les conclusions issues des Assises Nationales, au sein des nouveaux espaces politiques conquis par l’opposition et la société civile.
Il faudra s’opposer, dans le cadre d’une “nouvelle camaraderie”, de manière ferme mais sans aucune animosité, aux rivalités stériles de certains partis membres de la coalition de Bennoo Siggil Sénégal, qui ne semblent pas avoir tiré toutes les leçons de leur mésaventure de février 2007, de même qu’ils doivent rompre avec leurs velléités hégémoniques et placer leurs aspirations étroitement partisanes après la volonté populaire d’en finir avec le pouvoir libéral.
Au plan du renouvellement du personnel politique, il faudra également prendre en compte l’irruption sur la scène politique d’une nouvelle génération de managers (hommes politiques, leaders de la société civile). Il y a aussi la nécessité pour tous les partis politiques d’en revenir à des normes de fonctionnement plus en adéquation avec la maturité citoyenne, dont le peuple sénégalais a une nouvelle fois fait preuve.
La coalition Bennoo Siggil Sénégal, victorieuse dans plusieurs collectivités locales importantes de notre pays doit comprendre, qu’elle sera dorénavant redevable devant les électeurs de la politique locale au niveau des collectivités qu’elle a gagnées, dans la mesure où il y a une co-responsabilité entre les Institutions aux niveaux central, régional et local.
Yoff, le 21 avril 2009
MOHAMED ISSA LY- MI-AVRIL 2009
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