LA CRISE DE REPRESENTATION DEMOCRATIQUE DES JEUNES AU SENEGAL.
Thiès, le 12/06/2013
FORUM D’ECHANGES ASPAD
(Association Sénégalaise d’Appui aux politiques Alternative pour le Développement)
LA CRISE DE LA REPRESENTATION DEMOCRATIQUE DES JEUNES DANS LES INSTANCES DE PRISE DE DECISION : LE CAS DU SENEGAL
Ousseynou Ndione Instituteur
à L’Ecole El Hadji Boubacar Ndiaye I.E.F / Thiès-Ville
INTRODUCTION
La jeunesse Sénégalaise a toujours joué un rôle déterminant dans la prise du pouvoir et dans les luttes démocratiques à travers son implication et son organisation au sein des partis politiques et des syndicats. Et l’exemple des mouvements sociaux de mai 1968 avec la révolte des élèves et étudiants, est patent à cet égard. Aujourd’hui encore cette jeunesse en quête d’une nouvelle citoyenneté est beaucoup plus exigeante à l’endroit de ses représentants (président de la république, députés, Maires, conseillers régionaux, municipaux et ruraux).
Elle pose la question de savoir : qui nous représente dans les instances de prise de décision ? (Gouvernement ? Assemblée Nationale ? Conseil Economique, Social et Environnemental ? Conseil régional ? Conseil Municipal ? Conseil Rural ?)
Cette question trouve toute sa pertinence dans le comportement de ceux qui sont supposés représenter le peuple en général et en particulier les jeunes. Car combien de fois a-t-on entendu un politicien clamer ’’ je suis le député du peuple !’’. Or le premier réflexe de ces représentants c’est de changer de contacts (numéros de téléphone, Adresse, Domicile, inaccessible = nouvelle sécurité) complètement coupés des masses qu’ils représentent. C’est fort de ce constat douloureux suivi de déceptions électorales récurrentes que les jeunes revendiquent maintenant leur quota dans la représentation démocratique. Alors fatigués d’être toujours pris comme des faiseurs de rois, ils exigent d’être présents là où on décide de leur sort sans eux.
Il faut juste rappeler que les jeunes représentent à peu prés plus de 60% de la population. Ils constituent la couche sociale la plus vulnérable avec des besoins spécifiques. Si la jeunesse se définit comme tout individu (homme et femme âgé de 18 ans à 35 ans) par conséquent la majeure partie des jeunes a l’âge de voter, ce qui leur confère ce statut de faiseurs de rois. Cette jeunesse fait souvent l’objet de récupération politique ou d’instrumentalisation au sein de leurs formations politiques ou de la part de politiciens véreux ou des démagogues. Car cette jeunesse n’as pas de conscience politique élevée ni une bonne formation. Et ceci s’explique par le manque de formation dans les partis politiques (parti socialiste: l’école du Parti) ; PIT (Parti de l’Indépendance et du Travail : le quart-d’heure idéologique). A y regarder de prés il semblerait que les jeunes se complaisent dans ce nouveau statut chimérique de faiseurs de rois.
I - LES JEUNES, ETERNELS FAISEURS DE ROIS.
Dans l’histoire politique récente de l’implication des jeunes dans l’espace social au Sénégal, on constate qu’ils ont été dans tous les combats ayant abouti aux deux alternances démocratiques au Sénégal particulièrement celle de 2000 consacrant l’élection de maître Abdoulaye Wade à la tête du pays et l’élection de Macky Sall comme président de la république avec la deuxième alternance démocratique, où les protagonistes ont respecté le verdict des urnes.
Mais si on remonte la pente asymptotique de l’histoire politique du Sénégal, on constate que les jeunes de 1988 taxés de ‘’jeunesse mal saine’’ par le président Abdou Diouf pour l’avoir hué et lui avoir jeté des pierres à la place de France lors de son meeting de clôture, qui avait coïncidé avec celui de maître Abdoulaye Wade que ces détracteurs appelaient le candidat des enfants. Chemin faisant, 12 ans après ces joutes électorales, avec une implication massive des jeunes ayant soif de changement, qui scandaient partout ‘’ SOPI’’ le slogan du candidat du parti Démocratique Sénégalais (PDS) Maitre Abdoulaye Wade. C’est eux qui ont élu Wade en 2000.
Or les jeunes sont vulnérables, souvent exposés et exploités, mais mal formés ou pas formés du tout. Et comme l’a dit LENINE l’unique tâche dévolue à la jeunesse c’est d‘’apprendre’’ d’où la problématique récurrente de la formation des jeunes. Mais au Sénégal cette formation est perturbée par la crise scolaire qui gangrène le système éducatif depuis plus d’une décennie et ceci n’offre aucun avenir sécurisé aux jeunes victimes du chômage et de l’oisiveté. Car la sécurité des jeunes réside dans le travail et le loisir pour leur plein épanouissement, afin de leur permettre de libérer toute l’énergie qui déborde en eux et d’éclore leur génie.
Ainsi fatigués et désespérés ces jeunes se tournent vers les partis politiques pour avoir une ascension sociale rapide (ministre, député-PCA). Cependant, ils ne trouvent pas leur épanouissement dans ces partis politiques à cause de l’absence de démocratie au sein des formations. Car les aînés ne leur donnent aucune chance de promotion ou des postes de responsabilités et ils sont mis dans des positions de faire-valoir, souvent érigés en bouclier ou chair à canon (grenade lacrymogène). Ils sont au-devant de la scène et au cœur des théâtres d’opérations au cours des marches, des révoltes, émeutes, révolutions et / ou guerres civiles, constituant les principales victimes. Aucune alternance démocratique n’est possible dans ces formations où on voit des leaders faire plus de vingt ans à la tête d’un parti. C’est le cas dans beaucoup de partis et il n’y a presque pas de parti politique qui a un jeune comme secrétaire général. L’unique place accordée à ces derniers c’est une commission de la jeunesse ou un mouvement des jeunes qui peuvent être intégrés (UJTL : Union des Jeunesses Travaillistes Libérales avec le PDS, les jeunes socialistes avec le PS) ou affiliés au parti comme (l’UJDAN : Union de la jeunesse Démocratique Alboury Ndiaye avec le PIT et la convergence Socialiste avec le PS) comme si la jeunesse était exclue du champ politique.
Or ce sont eux qui élisent les présidents de la république. Et c’est ainsi après avoir élu WADE en 2000, ces mêmes jeunes se sont levés pour dire Non à la dérive du système libéral initiant le M23 (mouvement du 23 Juin 2011) pour dire NON à une troisième candidature de WADE qui a précipité sa chute. Le mouvement y’en a marre avec de jeunes rappeurs, élèves, étudiants, ouvriers, journalistes tous déterminés, y ont joué un rôle déterminant et la mort du jeune Mamadou Diop lors d’un rassemblement du M23 est édifiant à ce propos. Par conséquent force est de constater que les jeunes ont joué un rôle de premier plan dans les alternances démocratiques survenues au Sénégal en 2000 et plus récemment en 2012 avec l’avènement de Macky Sall à la magistrature suprême. Donc les jeunes qui constituent la couche majoritaire de la population, la plus vulnérable et qui sont de potentiels électeurs sont absents dans les instances de prise de décision. Mais cette absence n’est toutefois remarquée qu’au plan politique car dans l’espace social et économique voire religieux les jeunes assurent de grosses responsabilités (jeunes mariés responsables de famille, jeunes chefs d’établissement scolaire, jeunes chefs d’entreprises, jeunes marabouts etc.).
Au vu de tout ce qui précède le constat est alarmant quant à la représentation des jeunes dans les instances de prise de décision.
II LA CRISE DE REPRESENTATION DES JEUNES DANS LES INSTANCES DE PRISE DE DECISION.
Au Sénégal on constate que les jeunes ne sont pas représentés au niveau des instances de prise de décision et le seul constat d’une telle absence en fait l’objet d’une crise profonde de représentation démocratique. Car les jeunes ne peuvent plus continuer à être représentés par procuration. Et ceux qui sont censés les représenter ne connaissent ni leurs préoccupations ni leurs spécificités en tant que couche sociale.
Cette crise de représentation se ressent le plus dans le gouvernement où il n’y a aucun ministre jeune issu des élections présidentielles du 25 mars 2012. A l’Assemblée nationale, on a 3% de jeunes sur 150 députés et ceux qui se disent jeunes ont plus de 35 ans. La même absence de ces jeunes se fait remarquer au conseil économique social et environnemental où il n’ya aucun jeune dans les 120 conseillers. On note que la jeunesse est absente partout dans les instances suprêmes de prise de décision.
- Maintenant au niveau local de la représentation démocratique des jeunes, nous prendrons l’exemple de Thiès ville historiquement politique, qui a eu comme premier maire à la commune Léopold Sedar Senghor premier président de la république du Sénégal. Une ville où les jeunes ont joué un rôle déterminant dans les mouvements sociaux et les luttes démocratiques, tel que Latyr Ndiaye un des principaux acteurs de l’année blanche en 1988 en tant que leader lors de la grève des élèves et étudiants. C’est pourquoi le cas de Thiès est illustratif à cet égard pour étudier la représentation des jeunes dans les instances de prise de décision,
- au niveau régional nous avons treize (13) jeunes sur un conseil de 72 conseillers soit 18% de représentation dans une ville comme Thiès avec une population de Un million Deux Cent Soixante Seize Mille Deux Cent Quatre Vingt Huit (1.276.286) habitants avec 58 % de jeunes de moins de 20 ans selon les statistiques de 1999.
- Au niveau du conseil municipal de ville (commune de Thiès) sur 77 conseillers municipaux on a 20 jeunes soit 26 % de représentation.
Dans les trois (03) communes d’arrondissement la situation est pareille et cette représentation découle des locales de 2009.
- A Thiès-Est sur 70 conseillers municipaux on a 15 jeunes soit 21% de représentation.
- A Thiès –Ouest sur 66 élus municipaux on a 10 jeunes soit 15% de représentation
- A Thiès Nord sur 66 élus municipaux on a 5 jeunes soit 7,5 % de représentation.
Dans la communauté rurale de Notto Diobasse sur les 46 conseillers ruraux il n’y a aucun jeune au conseil d’où une représentation nulle. De même que dans la communauté rurale de Montrolland sur les 40 conseillers ruraux il n y’a qu’un seul jeune présent soit un pourcentage de 2,5% de représentation.
Force est de constater que les jeunes ne sont pas représentés dans les instances de prise de décision du sommet à la base et vice-versa. Or, on ne peut pas parler de démocratie représentative en excluant la majorité que constitue la jeunesse. Car en démocratie, c’est la loi de la majorité qui respecte les minorités. Et paradoxalement au Sénégal c’est l’effet contraire qui est de mise car c’est la minorité qui décide. Or la démocratie vise le développement et pour ce faire personne ne doit être exclu de la sphère de productivité et surtout pas les jeunes qui débordent d’énergie et de créativité. L’exemple du CANADA est assez édifiant dans ce registre qui a élu le plus jeune député du monde âgé de 20 ans. Au Sénégal en 2000, WADE a tenté de désamorcer la bombe en nommant des jeunes comme ministre, député, directeur de société et président de conseil d’administration (PCA) à des postes de responsabilités mais cela n’était qu’une goutte d’eau dans la mer et il avait une approche partisane car ces jeunes étaient de son parti. Or la jeunesse Sénégalaise ne se résume pas à celle du PDS.
CONCLUSION
Le Sénégal gagnerait beaucoup à responsabiliser davantage les jeunes en leur accordant un quota signifiant et significatif dans les instances de prise de décision pour asseoir une stabilité et à une paix durable. A l’instar de la parité accordée aux femmes qui constituent avec les jeunes les couches les plus vulnérables et majoritaires du pays, les jeunes doivent avoir leur part. Et déjà au XVIIième siècle, Corneille écrivait dans le Cid, que la valeur n’attend point le nombre d’années et dans notre tradition on dit souvent ‘’ XALE SU SETE LOXO MANA BOOK AKK MAG NDAPP’’.
Cependant, pour régler cette crise de représentation des jeunes il faut une réforme des institutions. Au Sénégal les jeunes sont exclus d’office dans les instances de prise de décision.
La constitution nous dit que pour être député il faut avoir 25 ans révolus, pour être président de la république 35 ans révolus et avoir 40 ans révolus pour être sénateur.
Et pour couronner le tout, l’administration dit qu’au-delà de 35 ans on peut plus être fonctionnaire d’où la grève des enseignants qui plombe le système éducatif depuis plus d’une décennie. Or l’unique point de discorde entre les syndicats d’enseignants et le gouvernement c’est la validation des années de volontariat et de contractualisation pour permettre à certains de bénéficier du statut de fonctionnaires. D’où l’impérieuse nécessité de donner aux jeunes la place qu’ils méritent au sein des espaces décisionnels car comme on le dit en wolof ‘’TEW MO GUEN NU TEWAALA’’.
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