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LE BLOG DE NIOXOR TINE

RÉFLEXIONS SUR L’EXPÉRIENCE DÉMOCRATIQUE SÉNÉGALAISE ENTRE 2000 ET 2012 (3)

11 Juin 2021 , Rédigé par LE BLOG DE NIOXOR TINE Publié dans #CHRONIQUE DES COLERES CITOYENNES

TROISIEME PERIODE DU 19 MARS 2011 AU 25 MARS 2012 : LE TEMPS DES REVOLTES CITOYENNES

 

          Le contexte, en ce mois de mars 2011 était marqué par l’apparition du mouvement Y’EN A MARRE, né deux mois auparavant, la chute du régime de Ben Ali en Tunisie et les affrontements épiques à la place TAHRIR en Egypte, sans oublier la crise ivoirienne. Au plan intérieur, on notait un bouillonnement lié à l’approche des élections présidentielles de 2012. Sidy Lamine Niasse, dirigeant du groupe de presse Walfadjri, la coalition Bennoo Siggil Senegaal regroupant plusieurs partis d’opposition, les jeunes de Y’EN A MARRE et le PDS envisageaient d’organiser des rassemblements, le 19 mars 2011, pour fêter l’an XI de l’Alternance.

On constatait également une implication de plus en plus marquée de personnalités de la société civile dans la bataille pour le respect de la Constitution et contre la candidature illégale et illégitime de WADE. L’inconscient collectif des peuples africains en général et sénégalais en particulier, était fortement marqué par le printemps arabe. C’est ainsi, qu’outre le désir de reproduire la symbolique de Tahrir à la Place de l’Indépendance de Dakar, il semble flotter comme un parfum de jasmin sur Galsen.

          Le samedi 19 mars 2011, peu après minuit, Mr Cheikh Tidiane SY, ci-devant, tout puissant Ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux annonçait la découverte d’un complot visant à la réalisation d’un coup d’Etat tué dans l’œuf. Et de citer les noms de jeunes militants de partis d’opposition censés avoir trempé dans cette conspiration imaginaire, parmi lesquels Cheikh NDAO, responsable des fans club de Walf fadjrï, Moustapha Ndiarré FAYE, responsable dans Mouvement National des Etudiants Socialistes (MNES), Hervé Bangar du MEEPIT, etc. La déclaration nocturne du ministre de la Justice est apparue, à l’époque, aux yeux de l’opinion comme irresponsable, d’autant qu’elle n’aura aucune suite juridique tangible, donnera lieu à de vigoureuses protestations des partis d’opposition et organisations de la société civile. Elle est caractéristique, au plus haut point, du niveau d’arbitraire et d’inconscience qu’avaient atteint les responsables libéraux.  Les différentes manifestations annoncées se dérouleront, comme prévu et sans violences ni heurts, démontrant ainsi la maturité des citoyens sénégalais.

          En juin 2011, le Président WADE, perdant son sang-froid, à mesure que s’approchait l’échéance fatidique des présidentielles de 2012, faisait adopter en Conseil des Ministres un projet de loi constitutionnelle instituant « le ticket de l’élection simultanée au suffrage universel du président et du vice-président de la République » et permettant au ticket venant en tête de l’élection et réunissant au moins 25% des suffrages exprimés de remporter la compétition électorale, ce qui équivalait, de fait, à la suppression du deuxième tour de l’élection présidentielle. Cette tentative de coup d’Etat constitutionnel était une reconnaissance objective, par le président WADE de ce que les élections locales avaient déjà montré, à savoir que le PDS était devenu minoritaire. Cette forfaiture constituait un jalon de plus vers la dévolution monarchique du pouvoir à un héritier, que WADE envisageait de se choisir. Mais le peuple souverain opposera une fin de recevoir catégorique à cette grossière tentative d’escroquerie politique, en cette mémorable journée du 23 juin 2012, en sommant les libéraux de choisir entre des élections (pacifiques) ou une explosion sociale.

Après la journée historique du 23 juin 2011, le camp libéral, au lieu de tenter de dénouer cette crise politique majeure et inédite depuis mars 2000, persistait dans le déni de la réalité et un entêtement suicidaire. Evoquant tour à tour l’effet de surprise ou la manipulation d’une jeunesse naïve par des politiciens cyniques, ils promettaient de se venger de l’affront que leur aurait infligé le peuple souverain !

En vérité, cette atmosphère insurrectionnelle, venant après la défaite politique subie par les libéraux, lors des élections locales de mars 2009, ne faisait que traduire le ras-le-bol du peuple sénégalais devant tous les abus subis pendant les onze dernières années.

Le président WADE, traumatisé par la révolte citoyenne du 23 juin 2011, s’était littéralement emmuré dans son palais pendant trois semaines. Ceux qui espéraient, qu’au sortir de sa retraite, il allait revenir à la raison, poser des actes majeurs, comme le limogeage de ses ministres controversés, sa propre démission ou la renonciation à un troisième mandat, vont vite déchanter. Ce 14 juillet allait désormais symboliser le Jour du Grand Reniement pour Abdoulaye Wade, qui en postulant pour un troisième mandat reniait sa déclaration publique faite au lendemain des présidentielles de 2007, devant toutes les télévisions du monde et dans laquelle il avait confirmé, qu’il entamait son deuxième et dernier mandat. Il ira jusqu’à défier l’Opposition, en proposant l’organisation d’élections anticipées. En réponse au discours provocateur d’un tyran en fin de règne, certains secteurs de l’opinion lui posent la question suivante : élections anticipées ou retraite anticipée.

Goodbye Ablaye comme d’autres auraient dit Goodbye Lénine ! Il est venu le temps des adieux, monsieur le Président !

La journée du 23 juillet 2011 était attendue autant par le pouvoir libéral que par l’Opposition. Elle intervenait, en effet, juste un mois après la fameuse journée du 23 juin 2011, au cours de laquelle, le peuple mobilisé devant l’Assemblée Nationale avait contraint le régime wadiste à battre en retraite. Il s’agissait, donc, de savoir, surtout après la mise sur pied du Mouvement du 23 Juin (M23) matérialisant la jonction des partis politiques de l’Opposition avec le mouvement citoyen et les organisations de la société civile, s’il s’agissait d’un simple accident de parcours comme semblait le croire Me WADE ou d’une lame de fond dans le processus de prise de conscience citoyenne.

C’est durant le meeting libéral à la VDN, que le Président WADE, après avoir tergiversé sur l’opportunité de limoger le Ministre de l’Intérieur, va finalement décider d’ériger la Direction des Elections en ministère autonome.

 Au fur et à mesure que l’inéluctabilité de la défaite du camp libéral apparaissait même aux yeux des observateurs politiques les moins avertis, les partis d’opposition vont dévoiler au grand jour leurs appétits de pouvoir. Devant la scission du regroupement originel en 1puis 2 puis 3 Bennoo (s), on en était à se demander : pour qui sonne le glas ? Malgré l’accord historique  du 28 mai 2011 sur la Candidature de l’Unité et du Rassemblement, scellé par une trentaine d’organisations politiques, les leaders de Bennoo Siggil Senegaal, vont avoir beaucoup de mal à s’entendre sur les critères de choix du candidat unitaire de l’Opposition. Paradoxalement, ce furent des personnalités ou organisations se réclamant de la gauche, qui seront les premières à fragiliser la dynamique unitaire, ce qui ne sera pas sans conséquences sur l’issue finale des élections présidentielles de 2012, remportées précisément par l’un des candidats les plus sceptiques vis-à-vis de la candidature unitaire.

          Le découragement gagnait de plus en plus les militants de l’Opposition, quant à la réalisation de la Candidature de l’Unité et du Rassemblement au sein de Bennoo originel. Ils clamaient haut et fort que Bennoo ne saurait servir de tremplin à des politiciens réformistes, qui semblaient perdre de vue les objectifs politico-institutionnels (notamment l’application des conclusions des Assises Nationales) visés par la large Coalition regroupant les partis de gauche, les organisations de la société civile et le mouvement citoyen et dont la compétition électorale ne recouvrait que certains aspects. Néanmoins, il apparaissait de plus en plus clairement, qu’au-delà des contingences bassement électoralistes, il allait être très difficile pour tout pouvoir issu des prochaines élections  de faire fi des acquis engrangés par le peuple sénégalais, en matière de prise de conscience citoyenne.

Au fur et à mesure qu’approchaient les élections présidentielles de février 2012, les évènements s’accéléraient. Recevant une délégation d’hommes politiques, le mercredi 21 décembre 2011, le cardinal Théodore Adrien SARR mettait en garde la classe politique sénégalaise. Pour lui, il n’était pas impossible, que ce qui était arrivé en Côte d’Ivoire puisse se produire au Sénégal. Ragaillardi par l’incapacité de Bennoo Siggil Senegaal à trouver un candidat unitaire, le président Wade et les forces occultes, qui le soutenaient, vont dérouler leur feuille de route. C’est ainsi que l’investiture du non-candidat Wade sera retenue pour le Vendredi 23 décembre 2011. La veille, des groupes de nervis répartis dans plusieurs véhicules supposés appartenir au PDS, se rendirent chez des leaders de l’Opposition, en l’occurrence Abdoulaye Bathily et Moustapha Niasse, qu’ils mirent en garde et menacèrent publiquement. Ensuite, ils iront agresser la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur, où ils rencontreront une farouche résistance, qui se terminera par un lourd bilan : la mort de Ndiaga Diouf et plusieurs blessés graves. Devant tant de cynisme de la part du pouvoir libéral, qui était l’initiateur et le principal instigateur de la violence politique, il était permis de se poser la question suivante :Après Ben Ali, Moubarack et Kadhafi, à qui le tour ?. Interrogation, qui ne semblait pas être du goût de certains proches alliés du pouvoir, membres de la CAP21.

          Le ton va monter ! Le Conseil Constitutionnel devait bientôt délibérer sur la validité de la candidature du président sortant, Abdoulaye WADE. Le M23 multipliait les manifestations pacifiques à Dakar et dans les villes de l’intérieur. Nul doute que des tendances, sinon fascisantes, du moins extrêmement autoritaires commençaient à apparaître au sein de la galaxie libérale. Allons-nous vers…le troisième Reich sénégalais, s’interrogeaient certains observateurs ?

La question du boycott des présidentielles, en cas de participation du non-candidat WADE, commençait à effleurer les esprits. Les révolutionnaires romantiques se mettaient à rêver du Grand Soir, de la transformation du processus électoral en dynamique insurrectionnelle. Mais il semblait bien, encore une fois que les citoyens sénégalais, si peu écoutés par leur élite politique, avaient d’autres solutions à faire prévaloir, qui soient plus conformes à notre histoire politique et à nos traditions démocratiques. Par dépit de n’avoir pu empêcher la validation, le 27 janvier 2012, de la candidature anticonstitutionnelle, illégale et illégitime du président Abdoulaye Wade, la jeunesse sénégalaise va le déclarer mort dans un refrain, qui tout en étant empreint d’humour, n’en traduisait pas moins une réalité tangible. Le héros du 19 mars 2000 pouvait bien être considéré comme étant symboliquement mort, rattrapé par l’absence d’éthique et d’idéal. Aussi mort que Lumumba, Sankara, Che Guevara continuent de vivre parmi nous et de nous inspirer chaque jour davantage ! C’est bien pour cela que pour les électeurs sénégalais, il y avait 13 candidats et …un fantôme !

Jamais campagne électorale n’aura été aussi mouvementée ! En lieu et place des débats programmatiques, le peuple sénégalais a eu droit à des émeutes sauvagement réprimées, avec à la clé, une dizaine de morts. Les alliés de Wade, soucieux avant tout de conserver les privilèges indus, qu’ils avaient acquis à l’ombre tutélaire de leur mentor peu scrupuleux, n’osaient lui dire la vérité et se faisaient ainsi complices d’une dictature rampante. Certaines forces maraboutiques connues pour leur amour immodéré pour les voitures 4 X 4, les passeports diplomatiques et les mallettes d’argent se réfugieaient derrière la célébration de fêtes religieuses pour prêcher le fatalisme et la soumission au décret – non pas divin -, mais wadien, par l’acceptation du verdict illégal d’un Conseil Constitutionnel accusé d’être corrompu.

La mort glorieuse, dans des circonstances tragiques et hautement symboliques de Mamadou Diop, citoyen modèle devenu martyr sacré de la cause du M23, symbolise au mieux cette phase historique dans la lutte du peuple sénégalais vers la restauration des valeurs républicaines, dans le droit fil des conclusions des Assises Nationales visant la refondation institutionnelle.  
 Et les patriotes de s’écrier en chœur :
Tolérance zéro pour les dérives fascistes,  lançant ainsi un appel à toutes les forces démocratiques de bouter dehors le Monstre et sa clique, pour empêcher, coûte que coûte un troisième mandat du Président WADE.

SI VOUS VOULEZ EN LIRE DAVANTAGE, VEUILLEZ CLIQUER SUR LES LIENS CI-DESSOUS:

1. https://www.nioxor.com/2021/06/reflexions-sur-l-experience-democratique-senegalaise-entre-2000-et-2012-1.html

2. https://www.nioxor.com/2021/06/reflexions-sur-l-experience-democratique-senegalaise-entre-2000-et-2012-2.html

4. https://www.nioxor.com/2021/06/reflexions-sur-l-experience-democratique-senegalaise-entre-2000-et-2012-4.html 

A trois jours du scrutin présidentiel, l’Opposition dans toute sa diversité, n’arrivait toujours pas à accepter le diktat du président Wade, appuyé par un Conseil Constitutionnel et des forces de répression aux ordres. Non content d’imposer sa candidature illégale, il empêchait aux candidats des partis d’opposition de battre campagne dans certaines parties du département de Dakar (notamment, la mythique Place de l’Indépendance).

Reconnaissons humblement que le leadership des différentes Coalitions de l’Opposition aura été déficient, que la riposte à l’arbitraire du régime libéral n’aura été ni coordonnée ni harmonisée et que notre pays semblait s’acheminer vers l’ingouvernabilité. Pendant que certains tenaient coûte que coûte à braver l’interdit qui pesait sur les manifestations à la Place de l’Indépendance, d’autres, dont l’actuel locataire du palais présidentiel, que certains qualifiaient de déserteurs, déroulaient tranquillement leur campagne électorale, en se disant que la meilleure façon de neutraliser la candidature de Wade était de le battre électoralement. Entre ces deux positions extrêmes, il y a eu toutes les variantes intermédiaires possibles, certaines coalitions procédant même à une division du travail au sein de leur équipe, entre la campagne électorale classique et les manifestations de rue.  

Enfin, les Etats-Unis et l’Union Européenne, qui semblaient avoir déjà misé sur certains candidats réformistes avaient des positions ambiguës, que ne pouvait justifier la seule inquiétude à propos de la sécurité de leurs ressortissants. C’est ainsi que, malgré toutes ces menaces qui pesaient sur le scrutin, les acteurs politiques, rejetant la médiation d’Obansanjo, engageront la bataille finale.

 Une fois encore, le peuple sénégalais déjoua tous les pronostics annonçant une situation post-électorale apocalyptique. L’autocrate autiste, qui pendant des mois avait tenu en haleine son peuple et l’opinion internationale est défait, sans coup férir. Personne ne parierait plus un sou troué sur sa victoire au deuxième tour. Certains rugissaient : Chassez l’intrus

La classe politique, trop occupée dans ses repositionnements autour du nouvel homme fort, ne se rendait pas compte, qu’en avalisant le résultat du scrutin, elle réduisait la portée de toute la dynamique citoyenne, qui a accompagné la lutte contre le troisième mandat de Wade.

De fait, la Coalition Bennoo Bokk Yakaar, allait se constituer sans aucune garantie programmatique. Quelques voix, vite étouffées, tentent d’alerter les forces de gauche, qui déjà en 2000, avaient été abusées par le président WADE, afin qu’ils puissent avoir leur propre agenda politique et cessent de privilégier l’alliance à tout prix  avec des partis de la mouvance socio-démocrate ou d’obédience libérale sur l’élaboration d’une véritable plateforme de gauche.

            Face à la quasi-certitude de la victoire de Macky SALL, on pouvait se permettre de spéculer sur les perspectives après la défaite du camp libéral. La plupart des leaders de la nouvelle Coalition présidentielle Bennoo Bokk Yakaar, étaient devenus beaucoup moins critiques par rapport aux méfaits du présidentialisme obsolète, d’autant qu’ils s’entendaient bien – du moins, à ce moment là - avec le nouveau locataire du palais de l’avenue Léopold S. Senghor. Ils vont donc s’inscrire résolument dans la perspective de gestion concertée du pouvoir avec un président de la République, qui ne semblait pas faire de la refondation institutionnelle, une de ses principales préoccupations. Pourtant, ces hommes politiques avaient passé près d’une année, lors des Assises Nationales à théoriser une nouvelle gouvernance et s’étaient ensuite engagés, aux côtés du mouvement citoyen et des organisations de la société civile dans la révolution citoyenne, qui avait finalement eu raison de la folie destructrice de l’ancien homme fort du régime libéral, laquelle révolution était loin d’être terminée, car n’ayant même pas encore commencé.

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