RÉFLEXIONS SUR L’EXPÉRIENCE DÉMOCRATIQUE SÉNÉGALAISE ENTRE 2000 ET 2012 (2)
DEUXIÈME PÉRIODE: DE LA ″VICTOIRE ÉLECTORALE″ DES LIBÉRAUX EN MARS 2007 A LEUR DÉFAITE POLITIQUE EN MARS 2009, LE TEMPS DES ASSISES
Le débat sur la régularité des élections présidentielles du 25 février 2007 n’a pas lieu d’être, si on considère l’achat massif de conscience, à une échelle quasi-industrielle, auquel se sont adonné le parti démocratique sénégalais et ses alliés, et ce jusqu’au jour du scrutin. Chefs religieux, militants des partis d’opposition, mandataires de la CEDA, fonctionnaires de l’administration territoriale ont, sinon bénéficié des largesses des dignitaires libéraux, tout au moins subi des pressions inouïes, dans le but de permettre la réélection du président WADE au premier tour.
Ce qui a été déterminant dans la reconduction du président sortant, c’est davantage la division des partis de l’Opposition avec quatorze candidats déclarés et la passivité dont ils auront fait montre devant les manœuvres des libéraux (rétention de cartes électorales, situation plus que confuse dans les centres de vote de Touba, dans le Fatick, aux Parcelles Assainies, prolongation exagérée des opérations de vote occasionnant d’innombrables fraudes électorales ou vols de nuits, …)
L’organisation du sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), qui s'est tenue à Dakar du 7 au 14 mars 2008 à Dakar, a joué un grand rôle dans la réélection du président WADE en février 2007. De par les innombrables chantiers ouverts entravant considérablement la mobilité urbaine et la fluidité de flux financiers, dont il s’avèrera, plus tard, qu’il s’agissait davantage de pillage du Trésor public national et de recyclage d’argent sale que de financement de la part des pays arabes, on a relativement réussi à faire miroiter des ″mirages islamiques″ à des citoyens pleins de bonne foi et désireux de laisser le ″Vieux terminer ses chantiers″.
Par ailleurs, la tentative de faire de ce sommet une rampe de lancement pour le ″prince héritier″, Karim Wade, va lamentablement échouer. Les observateurs n’ont pas manqué de faire le parallèle entre les chantiers de l’ANOCI et ceux de Thiès. C’est précisément le désir du Président de l’Assemblée Nationale de l’époque (actuel Chef de l’Etat), de tirer au clair cette ténébreuse affaire, qui est à l’origine de sa disgrâce et de sa traversée du désert jusqu’aux élections présidentielles de 2012, qui ont vu son accession à la magistrature suprême.
La meilleure preuve du décalage entre une victoire électorale supposée être éclatante et un malaise social persistant a été donnée par les marchands ambulants de Dakar, considérés depuis toujours par l’élite politique, à tort, comme des “encombrements humains”. Le 22 novembre 2007, ils vont, en effet, faire reculer un pouvoir encore auréolé de sa victoire au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 et disposant de 131 députés sur les 150 que comptait l’Assemblée Nationale. On se trouvait donc en face d’une dualité : un sommet islamique et un abîme social sans fin.
Il devenait alors, de plus en plus urgent, pour les forces d’opposition politique de faire une introspection et d’inventer une nouvelle manière de s’opposer à une autocratie en gestation. C’est ainsi que le Front Siggil Senegaal, en accord avec la société civile et une partie de l’opposition parlementaire, va lancer les Assises Nationales, qui ont été perçues par les militants de gauche et les démocrates sincères de notre pays comme une bouffée d’oxygène. Face aux dérives wadistes, qui ne constituaient qu’une accentuation des recettes éculées du défunt régime socialiste, les forces démocratiques et/ou de gauche avaient du mal à justifier leur compagnonnage avec des partenaires, qui assumaient toujours quarante années de soumission servile aux puissances occidentales, de mal-gouvernance et de tripatouillages aussi bien de la loi électorale que de la Loi Fondamentale. Les socialistes refusaient obstinément de procéder à une autocritique sincère par rapport à leurs pratiques politiques tant décriées, sans parler des conséquences à tirer sur le plan du personnel politique.
L’article – Assises Nationales : Chants de liberté - publié une semaine après la cérémonie d’ouverture des Assises Nationales, le 1er Juin 2008 etait un hymne à la modestie, à l’humilité, à l’autocritique et à la priorisation des intérêts de la Patrie sur ceux partisans. Les partis d’opposition et la société civile vont reprendre la main face à un pouvoir de plus en plus isolé. Il était même possible de jouer aux apprentis devins, en prédisant une défaite politique de la ″dynastie des Wade″ lors des locales de mars 2009.
Cette contribution fut rédigée, près d’une semaine après la disparition du Grand Maodo, le 25 janvier 2009. Ce grand patriote, qui avait été le meilleur symbole d’attachement aux intérêts de la Patrie, aura été la victime innocente et même un peu naïve d’un complot de l’impérialisme international et de ses laquais locaux. A sa sortie de prison, en mars 1974, il reconnaîtra certaines de ses erreurs d’appréciation et s’alliera avec le PAI, en fondant le journal AND SOPPI, qui aura apporté une contribution significative au départ de Senghor et à l’ouverture démocratique survenue en 1981, avec la reconnaissance de tous les partis politiques par le nouveau président Abdou Diouf.
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La persécution dirigée contre Macky SALL, quatre ans et demi après la cabale organisée contre Idrissa SECK était sans doute liée au désir de plus en plus manifeste du Président WADE de procéder à une dévolution monarchique du pouvoir au profit d’un fils biologique, accusé d’être moins méritant et de ne pas avoir le profil de l’emploi. Si on y ajoute le malaise social persistant, consécutif au pillage des ressources publiques, les innombrables scandales financiers et fonciers, il était évident que le pouvoir libéral allait au-devant d’une défaite politique majeure, d’autant que les partis d’opposition, en initiant les Assises Nationales, faisaient une offre politique plus consistante et plus alléchante.
La victoire amère des libéraux aux élections locales de mars 2009 enjoignait aux patriotes de se mettre à la hauteur des exigences populaires et marquait le début de la fin pour le régime libéral, de plus en plus contesté, non seulement à cause des velléités de dévolution monarchique du pouvoir, dont on l’accusait, mais aussi de la non-satisfaction de la demande sociale, qui avait été fatale au régime socialiste. La Coalition SOPI fera moins de 40% des voix et perdra dans toutes les grandes villes et agglomérations significatives. Néanmoins, l’Opposition, malgré son implication dans la dynamique citoyenne des Assises Nationales était loin d’être irréprochable. Elle faisait montre de péchés habituels des politiciens, hérités essentiellement du parti socialiste, que sont la volonté d’accaparement et d’hégémonie, sans oublier le clientélisme, toutes choses qui, en les faisant ressembler aux politiciens libéraux, contribuaient au discrédit de la classe politique dans son ensemble.
Devenu politiquement minoritaire, le président Wade, au lieu de prendre des mesures politiques idoines, comme cela se fait dans toutes les démocraties ″majeures″ – en participant au processus des Assises Nationales ou en faisant des concessions politiques significatives – choisira de s’enfoncer dans les méandres de la corruption et de la mal-gouvernance (affaire Alex Segura) et deviendra le parrain de personnages controversés et haut en couleurs comme Dadis Camara. Nous sommes dans la période où se déroulent le massacre du 28 septembre 2009 par la junte militaire guinéenne, l’attribution du Prix Nobel de la Paix à Barack Obama, la remise d’une mallette bourrée de billets de banque à Alex Segura, les délestages intempestifs de la SENELEC, les inondations en banlieue. Devant l’ampleur de la souffrance populaire, il est permis de parler de génocide moral.
C’est cela qui conduit le khalife général des Tidianes à appeler la classe politique à l’apaisement et à la concertation, à l’occasion du Gamou de l’année 2010. Néanmoins, des difficultés apparaissent, évoquant un dialogue de sourds politique, liées au fait que WADE persiste dans son entêtement à vouloir instaurer une dévolution monarchique au profit de son fils (promu Ministre d’Etat, titulaire de plusieurs portefeuilles ministériels) et à son refus de prendre au sérieux le processus des Assises Nationales, qui est sur le point de s’achever. Il y a également que les ″Assisards″ eux-mêmes peinent à mettre en pratique les généreuses idées qu’ils professent au niveau des collectivités locales qu’ils gèrent désormais.
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