REFLEXIONS SUR L’EXPÉRIENCE DÉMOCRATIQUE SÉNÉGALAISE ENTRE 2000 ET 2012 (1)
PRÉSENTATION DE L’AUTEUR
Dr Mohamed Lamine LY a fait ses études primaires à Matam, Diourbel et Ziguinchor. Il a fréquenté le lycée Lamine GUEYE de 1970 à 1977. Il a ensuite poursuivi des études médicales à la Faculté de Médecine de Dakar, qu’il terminera en janvier 1986. Il milite au PIT-Sénégal depuis fin 1979.
PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE
Cet écrit est tiré de l’ouvrage intitulé "chronique des colères citoyennes". Il s’agit d’un recueil comprend trente-quatre contributions, toutes rédigées par le Dr Mohamed Lamine LY dit Issa, qui n’en a signé que sept de son propre nom et dix-sept autres sous le surnom de Nioxor Tine. Pour les dix autres, il a utilisé divers pseudonymes : Presque tous ces écrits sont parus dans des quotidiens dakarois ou sur des sites web sénégalais (leral.net, senenews.com, nettali.net, pressafrik.com…etc.).
En 2000, le peuple sénégalais venait de sortir de terribles années d’ajustement structurel, qui avaient exacerbé la demande sociale, mais qui étaient néanmoins marquées par certaines concessions du président Abdou Diouf, sur les questions ayant trait à démocratie représentative et à l’implication de forces politiques diverses à la gestion des affaires publiques. En témoigne le code électoral de 1992 adopté, de manière consensuelle, par l’ensemble de la classe politique.
C’est d’ailleurs cela qui facilitera la survenue pacifique de l’Alternance historique de mars 2000, grâce à la pression populaire appuyée par les partis d’opposition. Après avoir fait sauter le verrou du Parti-Etat socialiste cinquantenaire, qui avait pris le Sénégal et son président en otage, WADE et ses alliés disposaient, désormais d’énormes potentialités pour l’instauration d’une bonne gouvernance et d’une véritable émergence économique. Hélas, très vite, tous les hommes de raison se rendirent compte, que les électeurs sénégalais loin d’avoir choisi l’homme qu’il fallait pour conduire les ruptures attendues, devaient se contenter d’un président par défaut, qui fera main basse sur toutes les institutions de la République.
Nous espérons, qu’au fil des contributions d’un simple militant politique – et non d’un politologue – qu’est l’auteur, qui milite depuis plus de trente ans au PIT-Sénégal, les lecteurs se feront une petite idée de la gouvernance wadiste, qui a failli faire basculer notre beau pays dans l’horreur.
L’ouvrage est divisé en quatre grandes périodes :
- Première période de mars 2000 à février 2007: du Parti-Etat socialiste au Parti-Etat libéral, le temps des reniements
- Deuxième période: de la ″victoire électorale″ des libéraux en mars 2007 a leur défaite politique en mars 2009, le temps des assises
- Troisième période du 19 mars 2011 au 25 mars 2012 : le temps des révoltes citoyennes
- Quatrième période : à partir du 25 mars 2012, le temps des ruptures attendues
PREMIÈRE PÉRIODE DE MARS 2000 À FÉVRIER 2007: DU PARTI-ETAT SOCIALISTE AU PARTI-ETAT LIBÉRAL, LE TEMPS DES RENIEMENTS
Après des décennies de lutte pour un scrutin transparent, l’élection présidentielle de 2000 a finalement satisfait à des normes minimales de régularité, sous la contrainte du mouvement démocratique et populaire, malgré un fichier électoral tronqué, permettant ainsi l’Alternance au sommet de l’Etat. Moins deux mois après le 19 mars 2000, certains observateurs avertis de la scène politique s’étaient rendu compte du fait, que le Président WADE avait déjà tourné le dos aux engagements auxquels il avait souscrits dans le cadre du programme de la CA2000. Visiblement, le leader du PDS sous-estimait l’importance des questions institutionnelles, aidé en cela, par la dislocation du pôle de gauche. C’est ainsi qu’on parlera de risques de hold-up sur l’alternance, braquage qui va finalement réussir au-delà des espérances de ses initiateurs pour le plus grand malheur du peuple sénégalais. Les patriotes véritables se sont désolés du fait, que la classe politique, à quelques rares exceptions, semblait se satisfaire d’un simple changement d’hommes à la tête de l’Etat, au lieu d’œuvrer pour une rupture radicale avec l’ancien mode de gouvernance du parti « socialiste ».
Vint alors le référendum sur la nouvelle Constitution, qui allait susciter beaucoup de déception au sein des forces de gauche. En effet, hormis l’octroi de droits d'accès à la propriété pour des femmes, (sans leur garantir une réelle indépendance économique), la Constitution de WADE a surtout raffermi le pouvoir présidentiel, comme le montrent les quelques mesures suivantes :
- Maintien des prérogatives accordées au gouvernement et à son chef, qui sont chargés de matérialiser les désidératas du Président de la république, qui, seul, détermine la politique de la Nation (article 42);
- Fragilisation du Premier Ministre qui peut aussi bien être victime d’un vote de défiance ou d’une motion de censure de la part de l’Assemblée (article 86), que d’un limogeage de la part du Président de la République (article 49) ;
- Primauté de la fonction présidentielle sur celle dévolue à l’Assemblée Nationale pouvant être dissoute (article 87), par un décret présidentiel après les deux premières années d’existence, contrairement aux promesses d’instauration d’un régime parlementaire ;
- Dépendance du pouvoir judiciaire par rapport à celui exécutif (conseil supérieur de la magistrature sous la coupe réglée du Président de la république, maintien du ministère de la Justice).
Certains thuriféraires wadistes, surfant sur l’euphorie de début de règne commencèrent à divaguer, en parlant d’alliance stratégique du Front pour l’Alternance (FAL), oubliant que les reniements et la conception très personnalisée du pouvoir de leur mentor compromettaient irrémédiablement les bénéfices qu’un processus démocratique véritable aurait pu tirer de la diversité des classes et couches sociales impliquées dans son avènement.
Le régime du président Wade, va profiter d’un état de grâce exceptionnellement long, après la chute du pouvoir du parti socialiste honni, qui n’avait réussi à trouver de réponses ni à la problématique de la demande sociale, ni aux enjeux de l’approfondissement de la démocratie. Le refus du président WADE d’initier les ruptures attendues va compliquer la tâche aux patriotes et démocrates sincères, qui, comme pris entre deux feux, entre le marteau libéral et l’enclume socialiste, tenteront d’attirer l’attention des masses populaires sur le dévoiement en cours du processus de rénovation démocratique initié, le 19 mars 2000.
Lors du référendum du 7 janvier 2001, on a pu observer 94% d’approbation de la constitution sur un taux de participation de 65,74 %. Seuls trois partis (PIT, Jëf Jël, MDS_Niax_Djarignou) avaient prôné le boycott du scrutin référendaire, tous les autres, y compris le parti socialiste avaient appelé à voter la nouvelle constitution proposée par le président WADE. Ce contexte d’unanimisme béat n’a fait que consolider les velléités dictatoriales du nouveau Président, qui s’attelait déjà à poser méthodiquement les jalons d’un « despotisme éclairé » ou « césarisme démocratique », comme il l’a avoué en 2003, dans une livraison du Figaro. Après avoir abusivement renforcé la composante majoritaire du mode de scrutin, au détriment de celle proportionnelle, promu la transhumance, en débauchant des centaines de responsables du parti socialiste, Wade va rompre avec tous ceux qui osaient contester son leadership, notamment son Premier Ministre Niasse, le 03 mars 2001, un peu plus de trois mois après le limogeage d’Amath Dansokho, le 23 novembre 2000. Il créait toutes les conditions de sa mainmise sur l’Assemblée Nationale, obtenant ainsi une majorité écrasante mais précaire.
Le dimanche 28 août 2005, alors que Dakar et sa banlieue étaient sous les eaux pluviales, subissant de très graves inondations, le Président Abdoulaye Wade tiendra un discours à la Nation, au cours duquel, il annonça son fameux plan Jaxaay. Craignant d’être sanctionné lors des élections législatives initialement prévues pour le mois d’avril 2006, Me WADE, s’adonnant à un exercice insensé de météorologie politique, prit le parti de reporter les législatives, qu’il décida de coupler avec les prochaines présidentielles de 2007. Il faut dire, qu’à l’époque, le parti démocratique sénégalais connaissait de sérieuses difficultés liées, entre autres à l’affaire des Chantiers de Thiès et à plusieurs départs de ses responsables les plus en vue. Il invoqua alors comme prétexte, la réallocation du budget initialement prévu pour l’organisation du scrutin au soutien des populations sinistrées et à la restructuration des zones inondables.
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- https://www.nioxor.com/2021/06/reflexions-sur-l-experience-democratique-senegalaise-entre-2000-et-2012-4.html
Le naufrage du Joola va cristalliser la mal-gouvernance et l’amateurisme du nouveau pouvoir libéral, qui préféra consacrer 18 milliards à la réparation de l’avion présidentiel au lieu d’acquérir un deuxième moteur à 250 millions de francs, au profit du seul bateau assurant la liaison Dakar-Ziguinchor. Le Premier ministre d’alors, Mme Mame Madior Boye fera office de fusible, malgré son excès de zèle et son dévouement aveugle pour quelqu’un qui ne le méritait visiblement pas.
Le 6 novembre 2002, Idrissa SECK sera promu au rang de Premier Ministre, marquant ainsi ce qui devait être la restitution à un Parti Démocratique Sénégalais, qui commençait à douter et à piaffer d’impatience, de sa suprématie sur toutes les autres formations politiques. Pour rappel, depuis son accession au pouvoir, le parti du Président n’était jamais allé seul aux élections et la Coalition SOPI, à laquelle, il était partie prenante, était même devenue minoritaire dès avril 2001, n’ayant engrangé que 49,6% des suffrages, lors des élections législatives d’avril 2001. Idrissa Seck, ayant succédé à Mame Madior Boye (mars 2001 – 4 novembre 2002), dirigera deux gouvernements, dans lesquels siégeront la LD/MPT et AJ/PADS et sera finalement limogé de la Primature, le 21 avril 2004, sur la base d’un fatras d’accusations inextricables de détournements de deniers publics puis d’atteinte à la Sûreté de l’Etat. Face à l’instabilité gouvernementale chronique, au malaise social et aux tiraillements incessants entre membres du PDS, le moment semblait venu d’évoluer vers de nouveaux concepts, comme celui de ″transition vers la post-alternance″.
En effet, les journalistes et les observateurs politiques les plus doués étaient convaincus de la défaite du président WADE aux élections présidentielles de 2007.
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